Comme les autres agriculteurs, les petits paysans sont prisonniers des logiques capitalistes : saisonniers, pauvreté, heures sup, prix...

Réponse au ministre de l’agriculture : « il n’y aucun autre avenir possible pour notre sécurité alimentaire que de sortir du capitalisme »

samedi 28 mars 2020, par Camille Pierrette.

Voici un post salutaire d’un paysan qui critique le ministre de l’agriculture et bat en brèche les illusions enthousiastes des écolos et autres adeptes du bio et de la petite agriculture locale. En effet, dans le cadre capitaliste, de nombreux problèmes graves se posent... Sans exploiter de la main d’oeuvre d’une manière ou d’une autre, le bio-local serait très cher et accessible seulement aux plus riches.

Réflexions tout droit sorties du champs

La FNSEA fait pitié avec son appel à combler le trou en main d’oeuvre creusé par la fermeture des frontières. Retour de boomerang.
Le ministre de l’agriculture fait pitié avec son discours pitoyable et sa « grande armée de l’agriculture française ».
Mais ce que je peux lire ici et là en réaction, ce mépris que je ressens envers les gens des campagnes, envers ceux qui bossent dans l’agriculture fait aussi pitié.

Les analyses de comptoir, qui mélangent tout, le bio, le conventionnel, l’agriculture paysanne, les gros exploitants, le ceci et le cela comme si on pouvait appréhender le problème de si simple manière. Les petits producteurs bios, les méchants conventionnels fnsea, et puis, de manière transversale, les ouvriers agricoles. Ben non. Les uns comme les autres ne font que s’adapter au système capitaliste. Ils en sont le produit même s’ils n’ont pas tous le même intérêt.

Tout d’abord, depuis que le capitalisme existe et avec lui le développement de la monoculture, les travailleurs saisonniers ont toujours été les plus précaires de nos sociétés. Il fallait qu’ils soient suffisamment précaires et mobiles pour pouvoir faire ce travail, car les monocultures impliquent beaucoup de travail quelque part sur un temps donné, et quand c’est fini il faut bouger ailleurs. Et ce, bien avant la création de la FNSEA. Il y a eu les montagnards (Auvergnats, cévenoles et autres) qui descendaient des montagnes pour trimer dans la vigne ou aux moissons. Les gens du voyage. Les nomades modernes vivant en camion aménagés. Les travailleurs étrangers. Des gens de peu, souvent méprisés. Et ceci partout ou se développe l’agriculture productiviste .

Maintenant, il faut savoir que tout est biaisé. Nous vivons dans un système capitaliste. Si vous pouvez acheter de la nourriture si peu chère, c’est grâce au subventionnement de l’agriculture mais aussi grâce aux économies de main d’oeuvre, qu’elle soit sous payée, exploitée ou remplacée par des machines (ou des produits).

Vous pensez que l’agriculture paysanne, ou l’agriculture bio échappe aux miasmes du capitalisme ? Que c’est tout beau tout propre ?
Alors je vais vous faire part de mes observations, sorties tout droit du terrain et je sais de quoi je parle.
Déjà, les produits que vous achetez à des petits paysans, comme moi, que se soit en bio ou en conventionnel sont de base plus chers. Normal, économie d’échelle. Enfin déjà, tout le monde n’y a pas accès. Même, pas grand monde.
Même si c’est plus cher, et bien c’est toujours pas le prix que ça coûte ! Pour pouvoir vendre à ce prix là, le petit petit paysan bio ou pas va, comme tous comme les autres, tenter d’économiser de la main d’oeuvre. Il faut savoir qu’en bio on a besoin de plus de main d’oeuvre ! S’il ne le faisait pas, les produits seraient plus de deux fois plus chers, déjà qu’il y a pas grand monde qui peut bouffer bio et local ben là ce serait mort, de base.

Comment on économise la main d’oeuvre sur nos petites fermes ? En faisant bosser :

- De la main d’oeuvre familiale gratuite non rémunérée, les « conjointes collaboratrices », l’ancien à la retraite etc...
- Les woofers et les stagiaires (très présents dans les exploit’ en bio)
- Des travailleurs saisonniers (mal) payés au black ou, parfois (mal) payés déclarés.
- En bossant nous-même et en ne nous rémunérant pas à la hauteur de notre travail.

Il faut arrêter l’hypocrisie. Nos petites fermes ne sont pas des modèles, c’est impossible dans le système capitaliste !

Alors il y a le-la maraîcher-e bio, qui commercialise en AMAP et qui salarie peu ou pas. Ouais, celui là, ou celle là qui bosse plus de 60h par semaine quasiment toute l’année !! Oui les bons légumes de l’AMAP dépendent de gens qui se ruinent la santé et souvent leur vie personnelle à trimer comme des fous ! Pour un smic à peine ?!! Ça vous fait rêver ? Pas moi ! Non, pour moi c’est très loin d’être idéal. Et on présente ça comme un model d’agriculture, éthique et tout ?

Bref, les agriculteurs, conventionnels, bios, n’ont d’autre choix pour se tirer un revenu que de faire du profit, et la loi du profit, on en connait les conséquences. Elles sont jamais bonnes pour les prolos qu’ils soient d’ici ou d’ailleurs.

En fait, il n’y aucun autre avenir possible pour notre sécurité alimentaire que de sortir du capitalisme. Reprendre en main de manière commune la production de notre nourriture et tout ce qu’on fera d’autre sera du bricolage, des pansements, de la bonne conscience...
Vraiment, je trouve que la situation se prête particulièrement à cette réflexion...

(post FB)

En complément :

Comme les autres agriculteurs, les petits paysans sont prisonniers des logiques capitalistes : saisonniers, pauvreté, heures sup, prix...

Note :

On pourrait étendre le même type de réflexion à tout le circuit de distribution et de vente : gros, demi-gros, intermédiaires, grandes surfaces, magasins commerciaux...

En effet, il est connu de longue date que les structures marchandes et les intermédiaires commerciaux font que les producteurs perçoivent la plus petite part de la valeur créée par leurs produits et galèrent alors qu’ils effectuent le travail le plus essentiel...
Ici aussi, le capitalisme est une impasse désastreuse qui enchaîne à des cercles vicieux.
D’ailleurs, on voit cette logique à l’oeuvre durant la crise du coronavirus. A cause du confinement et des décisions des dirigeants, les grosses industries agricoles et les grandes surfaces (et les Amazon et autres plateformes de ventes en ligne) sont une fois de plus favorisées au détriment des petits et des circuits courts. Ce qui va dans le même sens que les choix politiques désastreux des gouvernements.


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