Coincés entre la mafia agro-industrielle et les diktats étatico-capitalistes, de nombreux agriculteurs n’en peuvent plus

L’écologie & la paysannerie ou le capitalisme & l’agro-industrie ?

vendredi 26 janvier 2024

Revue de presse choisie sur le fort mouvement de protestation des agriculteurs en cours, après ces quelques remarques.

- Pour le secteur agricole comme partout, tous les Etats régulent de diverse manière le « libre » marché capitaliste, qui sinon serait encore plus chaotique et destructeur. Le niveau de protection dépend du rapport de force avec les secteurs concernés et de leur importance pour l’Etat.
A long terme et à l’échelle planétaire, la régulation du capitalisme ne peut être que très limitée car ce modèle économique doit fabriquer toujours plus d’argent, forcément au détriment des humains, des travailleurs, de la nature.
Tant qu’on reste dans ce modèle étatique/capitaliste, les agriculteurs sont forcément lésés.

- Les agriculteurs doivent travailler beaucoup trop, et en plus avec souvent de très faibles revenus malgré ça, voire aucun !
Quel cadre de multinationale accepterait de travailler sans revenu à la clef ?

- Des agriculteurs se plaignent souvent de la concurrence déloyale venue d’autres pays où les normes sont plus lâches et les salaires plus bas.
Certes, mais en fait dans le capitalisme il ne peut pas exister de concurrence loyale, car chaque situation est différente. Et même si une concurrence loyale existait, ça n’enlève pas que la mise en concurrence est un problème, une saloperie.

Les principes du capitalisme, dont la concurrence, poussent à des spécialisations par région. Telle région produit à fond tel produit de manière compétitive en monocultures et arrose tout le pays, voire toute la planète, avec ce produit. Ce qui fait que chaque région est dépendante des importations (par camion, bâteau, avion...) de tout ce qu’elle ne produit pas pour des motifs de concurrrence, mais qu’elle pourrait sinon produire (hors du capitalisme et de la civilisation industrielle) localement de manière juste et écologique, en respectant les agriculteurs, les sols, la biodiversité, les cycles de l’eau, la santé publique, etc. (L’exemple cité dans les médias des importations de Nouvelle-Zélande de produits agricoles pouvant être produits en France est parlant).

- Médias et agriculteurs parlent souvent de libre-échange pour s’en plaindre (à raison), mais n’oublions par que le modèle social qui sous tend et fabrique ce libre échange est le capitalisme. Le libre échange, la dérégulation des prix, la mise en concurrence, la réduction des revenus des travailleurs, la concentration, la spéculation, les marges des intermédiaires et commerçants... sont indispensables à la survie du capitalisme. Il est incohérent de rejetter ces maux, certaines des conséquences du capitalisme, tout en continuant à accepter le capitalisme. Avec le capitalisme, on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre et faire le tri, sauf sans doute pour les milliardaires et les multinationales.
Avec le capitalisme, même avec de fortes régulations/correctifs, on sera toujours perdants globalement sur la durée même si certains semblent « gagnants » temporairement.
Avec le capitalisme, ce qu’on gagne ici est perdu ou détruit ailleurs. Seuls les plus riches et grands possédants sont « gagnants » (du moins tant que des catastrophes type réchauffement climatique ou des insurrections ne les ont pas rattrapés). Le libre marché adossé à l’étatisme (et vice versa) c’est plutôt perdant-perdant si on regarde à l’échelle planétaire et sur la durée.

- La paysannerie, tout comme l’écologie, n’a pas d’avenir vivable dans ce système étatico-capitaliste.
La paysannerie et l’écologie sont en réalité étroitement liées. Les façons de produire nos nourritures et de les distribuer sont totalement reliées aux questions écologiques. Impossible de négliger un de ces deux pôles.
La (pseudo) écologie du Marché et de l’Etat est ennemie de l’écologie ... et des paysans. L’agriculture industrielle productiviste est ennemie des paysans ...et de l’écologie.
Le choix est donc : l’écologie & la paysannerie soutenables/justes ou le capitalisme, la technocratie et l’agro-industrie insoutenables/injustes ?
C’est un choix vital de société, qui concernent les paysans, agriculteurs, et tout le monde.

- Blocages importants d’autoroutes et de routes, lisier et déchets sur des préfectures et autres, local d’un organisme d’Etat détruit à l’explosif, marchandises volées dans des camions détruites sur l’autoroute, incendies devant divers bâtiments, menaces... Ce sont entre autre des actions d’agriculteurs ces derniers jours. Et là, miracle, les droites du gouvernement et les autres droites, les médias extrême-droitisés des milliardaires ne parlent pas H24 de casseurs, de violences, de « prise d’otage », de terrorisme, d’atteintes à la république, d’ultra-agri radicalisés, etc. Les flics ne sont pas envoyés en masse pour matraquer, mutiler, gazer, arrêter, ficher, mettre en procès... et le gouvernement semble très vite très à l’écoute, près à céder sur de nombreux points.
Souhaitons, principe d’égalité oblige, que cet heureux changement impromptu et radical de doctrine s’appliquera de la même manière aux prochaines contestations sociales et écologistes franchement marquées à gauche.
Car auparavant, lors de la lutte pour les retraites ou quand des contestations écologistes pratiquaient un dixième de ce que font actuellement les agriculteurs elles étaient très durement réprimées et décriées.

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La Confédération paysanne entre dans la lutte, en Drôme et ailleurs

- Dans la Drôme :

  • Communiqué de la Conf du 24 janvier : Malaise agricole : Par ici la sortie de crise ! - Alors que la colère agricole a gagné notre département, la Confédération paysanne de la Drôme est solidaire du mouvement et tient à faire ses propositions.
  • Conférence de presse à 14h vendredi 26 janvier : RENCONTRE - Conférence de presse / Malaise agricole - La Confédération paysanne de la Drôme est solidaire du mouvement et tient à faire ses propositions. Pas de pays sans paysannes et paysans, nombreux et rémunérés ! (...) La colère exprimée est légitime, tant le problème de la rémunération du travail paysan est profond.
    Les gouvernements successifs et la FNSEA ont mené conjointement l’agriculture dans l’impasse actuelle d’un système économique ultralibéral, inéquitable et destructeur.
    La Confédération paysanne souhaite apporter de véritables solutions de fond au malaise agricole, des solutions durables de sortie de crise et de système. Nous demandons donc d’urgence une loi interdisant tout prix agricole en-dessous de nos prix de revient et la fin immédiate des négociations d’accord de libre-échange. (...)
Coincés entre la mafia agro-industrielle et les diktats étatico-capitalistes, de nombreux agriculteurs n’en peuvent plus

- En Drôme, ce vendredi 26 janvier, les points de blocage devraient être à Tain-Tournon, sur l’A7 vers Montélimar, sur l’autoroute près de Romans... à suivre

Communiqué de la Conf :

📢La Confédération paysanne appelle à se mobiliser pour des paysannes et paysans nombreux et rémunérés !
👉Le Comité National de la Confédération paysanne réuni aujourd’hui affirme sa pleine solidarité avec les mouvements d’agricultrices et d’agriculteurs en France. Le constat est partagé : la colère exprimée est légitime, tant le problème de la rémunération du travail paysan est profond. Il y a 25 ans, la Confédération paysanne dénonçait déjà les conséquences du libéralisme, du Larzac à Seattle.
👉Par contre, sur les solutions proposées, l’agriculture française tourne en rond depuis des décennies derrière la sacro-sainte « compétitivité » chère à l’agrobusiness et aux marchés mondialisés. Résultat : un plan de licenciement massif dramatique qui tue nos campagnes.
👉La Confédération paysanne nationale a aujourd’hui pris la décision d’appeler l’ensemble des structures départementales à exprimer leur solidarité au mouvement, à se mobiliser et à porter des solutions durables de sortie de crise et de système.
👨‍🌾👩‍🌾🚜🚜 Nos mobilisations prendront diverses formes, en fonction du contexte local. Le mot d’ordre commun de la Confédération paysanne est clair : « Un revenu digne pour tous les paysans et paysannes » et « Rompre avec le libre-échange ».
✊✊
Alors que plusieurs Confédération paysanne départementales étaient déjà mobilisées sur le terrain, la décision de notre Comité National va amplifier cette mobilisation. Plusieurs dizaines de départements ont ainsi déjà prévu de se mobiliser pour obtenir des solutions concrètes pour tous les paysans et paysannes. Demain, les Confédération paysanne du Rhône, de Loire-Atlantique et du Var manifesteront, vendredi dans les Pyrénées orientales, ce week-end en Bretagne et dans le Calvados...
👉Nous souhaitons collectivement apporter de véritables solutions de fond au malaise agricole. Nous demandons donc d’urgence une loi interdisant tout prix agricole en-dessous de nos prix de revient et la fin immédiate des négociations d’accord de libre-échange.

Les gouvernements successifs et la FNSEA ont mené conjointement l’agriculture dans l’impasse actuelle d’un système économique ultralibéral, inéquitable et destructeur. Nous alerterons nos collègues sur le mirage de la « suppression des normes » et celui du « complément de revenu » par la production d’énergies.
Certes, une simplification administrative est nécessaire car beaucoup de procédures administratives et de normes sanitaires sont inadaptées à la réalité de nos fermes. Mais ne nous trompons pas de cible. La demande de la majorité des agriculteurs et agricultrices qui manifestent est bien celle de vivre dignement de leur métier, pas de nier les enjeux de santé et de climat ou de rogner encore davantage sur nos maigres droits sociaux.

Ce n’est pas, comme le font les dirigeants de la FNSEA, en demandant à pouvoir détruire des haies, en instrumentalisant le sujet des jachères, en éludant la question du partage équitable des terres et de l’eau, en négociant des avantages pour la production d’agrocarburants, que nous résoudrons en profondeur les problématiques de notre métier de paysan, producteur d’alimentation pour nos concitoyen·nes.

Nous lutterons sur le terrain contre toute forme de récupération de nos colères pour attiser le chaos, encourager le repli sur soi et in fine poursuivre la fuite en avant d’un système qui nous met en concurrence les uns contre les autres. Nous appelons également à des mobilisations pacifiques respectueuses des personnes, des biens publics et exemptes de racisme, sexisme ou toute autre forme de discrimination.
Ce dont nous avons besoin, c’est de s’attaquer aux racines du problème en offrant plus de protection sociale et économique aux agricultrices et agriculteurs.

Instauration de prix garantis pour nos produits agricoles, mise en place de prix minimum d’entrée sur le territoire national, accompagnement économique à la transition agroécologique à la hauteur des enjeux, priorité à l’installation face à l’agrandissement, arrêt de l’artificialisation des terres agricoles : rassemblons-nous sur des solutions d’avenir pour transformer positivement cette colère et sortir du marasme dans lequel est plongé le monde agricole depuis trop longtemps.

(voir aussi plus bas à Nantes le 25 janvier)

Coincés entre la mafia agro-industrielle et les diktats étatico-capitalistes, de nombreux agriculteurs n’en peuvent plus

Pourquoi nous sommes tous des paysans en colère

- Pourquoi nous sommes tous des paysans en colère
Depuis plusieurs mois, le monde paysan est en ébullition : au début cantonné à plusieurs journées d’action organisées par les puissants syndicats patronaux FNSEA et Jeunes Agriculteurs, il s’est transformé en mouvement de colère un peu plus spontané qui met en œuvre des actions choc de blocage des flux de circulation, en particulier dans le Sud-Ouest du pays. Dans le reste de la population, on pointe – à juste titre – l’attitude des autorités locales et nationales qui auraient été bien plus répressives si ce genre d’action avaient été le fait de syndicalistes, d’écologistes et de gilets jaunes. D’autres, à gauche, s’inquiètent des contradictions du mouvement : les revendications pour un niveau de vie décent se mêlent à un discours antiécologique, la concurrence internationale est critiquée mais les représentants officiels du monde paysan – comme le président de la FNSEA Arnaud Rousseau – sont proches des grands groupes qui en bénéficient… Et pourtant, en montrant aux agriculteurs que nous sommes avec eux, nous pouvons contrer le mal que les gouvernements et les industriels nous font à nous tous.
(...)
Quant au traitement médiatique des difficultés du monde paysan, il laisse souvent à désirer, comme nous l’expliquions dans cet article. Tout semble fait pour ne pas aborder les sujets qui fâchent, et qui risquent d’exposer les industriels de l’alimentation, les gouvernements successifs et l’entièreté du modèle agricole français et européen qui déconne à plein tube. La preuve infaillible du caractère malsain du système est le taux de suicide des agriculteurs, nettement supérieur au reste de la population (Le risque de mortalité par suicide est supérieur de 43,2% à celui des autres travailleurs, selon la Mutualité Sociale Agricole). Cela signifie que l’organisation de tout un secteur conduit les producteurs à mettre fin à leurs jours tellement ils se sentent pris à la gorge et sans perspective d’avenir. Le taux de pauvreté chez les agriculteurs est de 18% (14,5% dans la population générale) et leurs revenus ont chuté en moyenne de 40% en trente ans, selon le ministère de l’agriculture.
(...)
Enfin, les accords de libre échange sont toujours injustes, puisque les normes de production ne sont pas les mêmes d’un pays à l’autre et que c’est le pays le moins favorable socialement et environnementalement qui sera le plus compétitif… sans compter l’aberration écologique que constitue l’importation de viandes et de produits laitiers depuis l’autre bout du globe quand on peut produire la même chose localement.
(...)
Les agricultrices et agriculteurs français ont globalement le sentiment de ne pas être suffisamment rémunérés pour leur travail. Effectivement, ils sont pour la plupart pris dans un système où ils ne sont pas maîtres du prix de vente de leurs produits et sont contraints de vendre à prix cassés leurs productions à des industriels bien plus forts qu’eux.
(...)
Des grandes fortunes se sont constituées sur cette fortification de l’agro alimentaire et de la grande distribution : les Leclerc, Mulliez (Auchan), Besnier (Lactalis) se sont engraissés… pendant que toute une partie du monde agricole, lui, restait composé de petits exploitants qui ne font plus le poids face à de tels géants. Selon l’Observatoire français des prix et des marges, seul 10%, en moyenne, du prix de vente d’un produit agricole revient aux producteurs.
(...)
En 2022, le prix des intrants utilisés par les exploitants pour leur activité agricole a augmenté de 25,9 %, selon le ministère de l’agriculture. Par “intrants” on désigne les engrais et amendements (dont les prix ont augmenté en 2022 de … 74,8 % !), l’énergie et des lubrifiants (+ 41,6 %), et les aliments pour animaux (+ 24,9 %). Comment ne pas comprendre que les agriculteurs se sentent étranglés ? Forcément, lorsque le ministre des finances Bruno Le Maire a annoncé la fin de l’avantage fiscal des agriculteurs sur le gazole non routier (GNR), la colère a franchi un cap. Comme au début du mouvement des gilets jaunes, les agriculteurs se mobilisent contre une taxation qui a des motifs écologiques (désinciter l’utilisation des énergies fossiles) mais qui va d’abord peser sur des gens qui sont déjà au bord du gouffre.
(...)
Vivre des aides ou vivre de son travail ? La lourdeur des procédures administratives qui pèsent sur les agriculteurs français tient notamment au fait qu’une partie très significative de leur revenu est étroitement liée à l’obtention d’aides, à commencer par la fameuse PAC, pour “Politique Agricole Commune”.
(...)
La dépendance aux aides PAC mine le moral des agriculteurs qui ont l’impression de ne pas réellement vivre de leur travail et de dépendre de l’évolution de la réglementation en la matière, qui est changeante. De plus, la faiblesse de leurs revenus rend 10% d’entre eux dépendants des prestations sociales que sont le RSA et la prime d’activité…. quand ils y ont recours, puisque, selon nos confrères de Reporterre, ils seraient 50 à 60% à ne pas demander les aides auxquelles ils ont droit
(...)
Le gouvernement est lié à l’industrie agroalimentaire, comme il l’est avec toutes les grandes entreprises : le ministre de l’agriculture, Marc Fesneau, a nommé une lobbyste de l’ANIA (Association nationale des industries alimentaires, premier lobby de l’agroalimentaire) au poste de conseillère communication.
(...)
On comprend bien que pour l’agro industrie qui profite des coûts de production agricole les plus faibles possibles, la réduction des normes environnementales soit un potentiel effet positif du libre-échange… Mais en quoi cela serait-il favorables aux agriculteurs français qui, comme beaucoup le disent sur les blocages, comme le relèvent nos confrères de Reporterre à qui des paysans bloqueurs de l’autoroute A64 ont déclaré : “on voudrait mettre en place des normes écologiques sur nos exploitations, c’est juste qu’il n’y a aucun accompagnement ou trop peu de financements pour cela”..
(...)
Bref, l’écologie agricole n’est pas au pouvoir, loin de là, et affirmer donc que les paysans seraient d’abord victimes des normes environnementales est un pur mensonge.
(...)
Mais pourquoi la FNSEA l’agite-t-elle, ce mensonge, alors qu’elle est au service des agriculteurs ? Alors qu’il est censé représenter tous les agriculteurs, dans leur diversité, la FNSEA est dirigée par des industriels. Son actuel président, Arnaud Rousseau, dirige aussi le conseil d’administration du groupe Avril, un groupe agro industriel international d’origine française spécialisé dans l’alimentation humaine, l’alimentation animale, l’énergie et la chimie renouvelable. Il possède des filiales comme Puget (huile d’olives), Lesieur ou Matines (les œufs). Le conflit d’intérêt est clair : cet homme est chargé de défendre des paysans que son propre groupe a plutôt intérêt à ne pas trop rémunérer, à diriger et à maintenir sous sa coupe. Dans ces conditions, il n’y a rien d’étonnant à ce que la FNSEA dirige la colère des paysans pour obtenir une réduction des normes environnementales et un alignement sur une concurrence internationale plus productiviste.
(...)
Un exemple : autrefois, les salaires étaient indexés sur l’inflation. En France, c’est fini depuis Mitterrand. Depuis, l’inflation et la faiblesse croissante du rapport de force au travail ont réduit nos rémunérations. A tel point que désormais, toute une partie de la population, salariée et indépendante, ne peut plus vivre de son travail. Comme les paysans, nous sommes de plus en plus nombreux à être contraints à recourir à la prime d’activité, dispositif créé sous François Hollande pour que le contribuable compense les faibles salaires des salariés et les faibles prix des agriculteurs.
(...)
Plus nous serons nombreux à rejoindre les agriculteurs et à les soutenir, en partageant des revendications communes – bien vivre de son travail est la première, arrêter de subir la mondialisation forcée en est une autre – plus nous pourrons les amener vers ce qui nous lie tous. En orientant la mobilisation sur la question écologique, forcément clivante parce qu’elle oppose le désir des paysans de produire plus et celle des citoyens de vivre dans un environnement plus sain et plus durable, la FNSEA, la droite, le RN et ses satellites veulent tuer ce qui pourrait conduire à la grande révolte sociale de l’année 2024. Comme au moment des Gilets Jaunes, c’est à la gauche et aux syndicats, ainsi qu’à l’ensemble des autres catégories professionnelles qui subissent le macronisme et le capitalisme de profiter de cette fenêtre de tir et de s’engouffrer dans le combat, aux côtés des agricultrices et agriculteurs.
(...)
C’est un grand cap qui peut être franchi par rapport aux mouvements sociaux antérieurs. Car si cette grande révolte sociale advient, nous aurons bien plus qu’un chariot-élévateur à nos côtés.

Coincés entre la mafia agro-industrielle et les diktats étatico-capitalistes, de nombreux agriculteurs n’en peuvent plus

🚜 SABOTAGES, BLOCAGES, EXPLOSIONS : QUE SE PASSE-T-IL CHEZ LES AGRICULTEURS ?

– Une souffrance bien réelle récupérée par le lobby de l’agro-industrie –

Vendredi 19 janvier, une explosion souffle le rez-de-chaussée de la DREAL de l’Aude – la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement. Un bâtiment de l’État est détruit par une bombe. L’action est revendiqué par le CAV ou comité d’action viticole, un groupe clandestin de producteurs de vin.

🔴 Casse autorisée
Cette action intervient dans le cadre d’un fort mouvement du monde agricole. En plus de cette explosion, il y a depuis plusieurs semaines de nombreux sabotages, des blocages très puissants d’autoroute par des tracteurs, des préfectures saccagées… Le 22 janvier, une ligne de TGV près de Sète est même bloquée par des tracteurs, déplaçant sur les rails des pneus et des déchets.
Toutes ces actions sont impressionnantes. On se souvient qu’une procédure anti-terroriste avait été ouverte contre « l’ultra-gauche » en 2008 pour avoir perturbé une ligne de TGV : la lamentable affaire Tarnac. On se souvient aussi des arrestations massives et des mutilations lors de manifestations pour des dégradations infimes en comparaison des actions menées par les agriculteurs. On se souvient des accusations « d’éco-terrorisme » à propos des manifestations pour les ressources en eau à Sainte-Soline. Quant à l’explosion d’un bâtiment public, on préfère ne même pas imaginer les conséquences répressives et médiatiques si cela venait d’un groupe anticapitaliste.
Ici, rien de tout cela. Emmanuel Macron appelle les préfets à écouter « les problématiques » des agriculteurs en colère. Gabriel Attal reçoit leurs représentants directement à Matignon. La chaîne d’extrême droite Cnews, qui d’habitude s’inquiète de « l’ensauvagement » et des « violences », soutient le mouvement et met son logo à l’envers en solidarité, comme les agriculteurs qui renversent les panneaux de signalisation. Quand un mouvement contestataire est à ce point couvert par les médias des milliardaires et le gouvernement, il y a anguille sous roche.

🔴 Un mal-être réel
Soyons clairs : le monde agricole a toutes les raisons de se révolter. La France est un grand pays agraire et comptait en 1945 10 millions de paysans, soit plus d’un quart de la population. Il n’y avait plus que 400.000 agriculteurs en 2019, une division par 20.
C’est tout un monde qui a disparu. Des savoir-faire, des sociabilités, des campagnes vivantes qui ont été tuées. Le productivisme a tout détruit, le remembrement des années 1960 a créé de grandes parcelles concentrées dans toujours moins de mains, l’agro-industrie a transformé les paysans en entrepreneurs obligés de produire toujours plus pour être rentables et obtenir des subventions, le tout arrosé de pesticides.
Aujourd’hui, les agriculteurs sont durement touchés par les suicides, très nombreux dans la profession, mais aussi les accidents, les maladies, la solitude, les pressions de la grande distribution. La force de travail agricole est en souffrance, c’est incontestable.
Dans les années qui viennent, une grande partie des agriculteurs partira en retraite, et il y a de gros risques de rachat des terres par les grands groupes qui cumuleront les hectares, renforçant encore les logiques productivistes au dépend des petits producteurs.

🔴 Une récupération par le lobby agro-industriel lié au gouvernement
Ce qui est encore plus tragique, c’est que ce monde agricole en détresse se jette dans les bras de ceux qui sont responsables de ses malheurs.
Celui qu’on voit défiler actuellement sur les plateaux télés et dans les bureaux du gouvernement s’appelle Arnaud Rousseau. On l’entend à la radio dire « ce que veulent les agriculteurs, c’est redonner une forme de dignité à leur métier ».
Pourtant, Arnaud Rousseau est de ceux qui détruisent la dignité de cette profession. Il dirige la FNSEA, puissant lobby de l’agro-industrie lié au gouvernement. C’est la FNSEA qui encourage le productivisme, l’agriculture néolibérale, les dérégulations. C’est la FNSEA qui permet aux gros exploitants de manger les petits. C’est la FNSEA qui a détruit la paysannerie. Il est donc déroutant de voir que l’organisme responsable du mal-être paysan soit devenu son porte-voix.
Mais il y a pire. En plus de diriger la FNSEA, Arnaud Rousseau est à la tête d’une énorme exploitation de 700 hectares et président du groupe Avril, une multinationale de l’agrobusiness spécialisé dans l’huile, qui a réalisé plus de 9 milliards d’euros de recettes en 2022. Oui, 9 milliards.
Les raisons de ces chiffres records ? L’inflation. Son groupe a augmenté son chiffre de 32% par rapport à 2021, et surtout réalisé 218 millions d’euros de profits, une hausse de 45% sur un an. Rousseau s’est enrichi sur les classes populaires qui ont payé plus cher. Il est aussi directeur général de Biogaz du Multien, une entreprise spécialisée dans la méthanisation.
Arnaud Rousseau n’a rien du paysan attaché à sa terre. C’est un entrepreneur, un grand patron qui règne sur ses hectares comme un manager régnerait sur une usine. Il est diplômé de l’European Business School de Paris, et fait du courtage de matières premières agricoles sur les marchés financiers. Quels sont les points communs entre Arnaud Rousseau et le petit agriculteur de Bretagne qui peine à boucler ses fins de mois ? Aucun. Si ce n’est que le premier vit sur la misère du second.

🔴 Le monde paysan est une lutte des classes
Revenons à l’explosion dans le Sud de la France. En novembre dernier, près de 6000 vignerons s’étaient rassemblés à Narbonne à l’appel de la FNSEA, et dénonçaient la situation catastrophique des vignerons en 2023. Parmi les responsables pointés du doigts : « les écologistes extrémistes » qui imposent, selon eux, des normes « intenables ».
La FNSEA réclamait alors au gouvernement des aides d’urgence et de limiter la concurrence avec les vins étrangers, alors que de nombreux vignerons français bénéficient eux-mêmes de l’exportation de leurs vins. La revendication principale était donc une forme de protectionnisme à la Trump, d’où tout le monde sort perdant (sauf les patrons).
Toujours est-il que le Comité d’Action Viticole a le droit de poser des bombes alors même que toute contestation sociale est écrasée d’une main de fer. Le CAV a d’ailleurs commis de nombreux attentats depuis les années 1960, y compris en tuant un policier ou en faisant sauter une permanence du PS près d’une école, sans que ses membres soient vraiment inquiétés.
La colère des agriculteurs est-elle condamnée à être récupérée par les lobbys de l’agro-business, à la grande satisfaction des néolibéraux au pouvoir ? Non. Il existe aussi la Confédération Paysanne, un syndicat marqué à gauche, opposé à l’agriculture productiviste et plutôt altermondialiste, qui dénonce les solutions portées par la FNSEA.
Opposée à l’accaparement des terres et à l’agriculture intensive, la Confédération Paysanne se bat réellement pour la dignité du métier, pour la fin des monopoles dans les campagnes et le retour à la terre.
Dans le cas des vignerons, la Confédération soulignait l’hypocrisie de l’agriculture intensive qui survit grâce aux subventions, et expliquait que « déplorer de faibles récoltes liées à la sécheresse dans un contexte général de surproduction » n’avait pas de sens « alors que nous devons envisager des mesures de régulation et de solidarité pour limiter la distorsion flagrante entre les secteurs irrigués et ceux qui ne le sont pas » ou encore la proposition de détruire les parcelles les plus isolées.

🔴 Pour une agriculture respectueuse des humains et de la terre
Et devinez quoi ? La Confédération Paysanne, elle, est réprimée. Quand elle défend le bocage de Notre-Dame-des-Landes contre un projet d’aéroport. Quand elle manifeste contre les OGM ou les pesticides. Quand elle lutte contre l’accaparement des terres par l’agro-industrie ou contre les mégabassines. Les membres de ce syndicat sont alors gazés, arrêtés, dépeints comme de dangereux contestataires dans les médias, et plus comme de sympathiques agriculteurs en colère.

Pour le pouvoir, il y a donc les « bonnes » révoltes agricoles et les mauvaises. Étant donné le traitement médiatique de la contestation actuelle, vous devinez aisément quels sont les intérêts qui sont défendus.

Mais qu’on ne s’y trompe pas : aucune solution ne viendra des propositions de soutien à l’agriculture industrielle et polluante. C’est le modèle agricole qui est à changer, pas seulement l’importance des allocations ou les règles écologiques. Si la colère des paysans est juste, les cibles qu’elle vise ne le sont pas : il y a bien une lutte des classes entre gros exploitants et petits producteurs, et c’est elle qu’il faut raviver. Au-delà de la Confédération Paysanne, des expérimentations ont lieu partout pour une autre agriculture, respectueuse de la terre, de la diversité et du vivant.

(post de Contre Attaque)

Coincés entre la mafia agro-industrielle et les diktats étatico-capitalistes, de nombreux agriculteurs n’en peuvent plus

Les mobilisations du monde agricole ont de multiples facettes

Blocages d’autoroutes, mais également actions devant les banques, devant les enseignes de grande distrib, ou encore devant des mastodontes de l’agro-industrie tel que Lactalis. Les mobilisations du monde agricole ont bel et bien de multiples facettes.
Cette diversité des cibles et des modalités d’action illustre bien les courants qui traversent actuellement le monde paysan, avec d’un côté, une FNSEA qui tente de faire bonne figure, en donnant l’impression qu’elle contrôle le mouvement et cherche à blâmer les politiques écologistes, et de l’autre, des exploitants qui dénoncent notamment les pratiques de la grande distribution, de certains leaders de l’agro-industrie, ou encore la mise en concurrence injuste permise par les traités de libre-échange. Et puis entre les deux, tout un tas de gens qui désirent avant tout exprimer leur colère, parfois leur détresse.
Il y a de tout dans ce mouvement, du bon, et du mauvais, parfois très mauvais, il faut l’admettre. Néanmoins, si l’on ne se parle pas, la FNSEA pourra continuer de nous antagoniser et d’empêcher tout dialogue avec une large partie du monde paysan, qui est pourtant elle aussi victime des affres du capitalisme et du productivisme.

- vidéo : https://fb.watch/pN4kJEEyjD/

(post de CND)

Coincés entre la mafia agro-industrielle et les diktats étatico-capitalistes, de nombreux agriculteurs n’en peuvent plus

🎉 DARMANIN ANNONCE DE BONNES NOUVELLES

Les déclarations du Ministre de l’Intérieur sont souvent consternantes ou déprimantes, mais cette fois-ci, Gérald Darmanin annonce d’excellentes nouvelles pour toutes les personnes révoltées de ce pays.

➡️ Première bonne nouvelle. À propos de la colère des agriculteurs, il a déclaré : « il n’est pas prévu d’évacuation par les forces de l’ordre » car « il n’y a pas de dégradation ». Depuis des semaines, les agriculteurs saccagent l’entrée de nombreuses préfectures, bloquent des autoroutes en y allumant des feux énormes et en y plaçant des barricades, mettent des pneus sur les lignes de TGV… Un bâtiment de l’État a même été soufflé par une bombe dans l’Aude, action revendiquée par des vignerons. Tout cela ne constitue donc « pas des dégradations » pour le Ministre de l’Intérieur. Tant mieux, jusqu’ici le discours du gouvernement était totalement l’inverse : la moindre atteinte aux biens était criminalisée au maximum et exposait à la prison ou à la mutilation. Ce propos de Darmanin est donc un argument à utiliser lors de tous les procès pour de simples tags ou autres actions en manifestations.

➡️ Deuxième bonne nouvelle. Il a aussi affirmé : « On n’envoie pas les CRS sur des gens qui souffrent. » C’est une autre excellente déclaration, car des dizaines de millions de personnes souffrent en France : les jeunes qui ne peuvent plus se loger et se nourrir normalement, les habitants de banlieue qui subissent les discriminations sociales et raciales, le personnel soignant, les travailleurs précaires, les chômeurs, les sans-papiers, les millions de personnes qui ont manifesté pour les retraites... Tous ces gens souffrent. Darmanin leur promet donc qu’il n’y aura plus de CRS. S’il dit vrai, tous ces gens « en souffrance » vont enfin pouvoir prendre l’Élysée, les lieux de pouvoir, et faire tomber ce régime injuste et illégitime !

À moins que… Darmanin se foute encore de la gueule du monde, et que ses propos ne concernent finalement que les agriculteurs de la FNSEA ?

(post de Contre Attaque)

En effet, Darmanin persiste sur Le Monde :
Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a donné mercredi soir des consignes de « grande modération » aux préfets, en leur demandant de ne faire intervenir les forces de l’ordre qu’en « dernier recours », alors que les actions des agriculteurs se multiplient. « Je tiens à vous rappeler la consigne de grande modération attendue des forces de l’ordre sous votre autorité », écrit le ministre dans cette instruction.
Les forces de l’ordre déployées « aux abords de bâtiments publics » ne « seront autorisées à intervenir » qu’« en dernier recours », ajoute le ministre, et « dans le seul cas où l’intégrité des personnes serait menacée ou les bâtiments exposés à de graves dégradations »

L’écologie, bouc émissaire de la colère agricole

- L’écologie, bouc émissaire de la colère agricole
Parmi les griefs des agriculteurs en colère, les « contraintes environnementales » sont montrées du doigt. Et si l’écologie n’était qu’un bouc émissaire, afin de ne pas s’attaquer aux réelles causes de la détresse agricole ?
(...)
Pour tous les militants écolos et paysans que nous avons interrogés, pas besoin de tourner autour de l’abreuvoir : la cause principale de la détresse agricole n’est pas la transition écologique, mais bien le manque de revenus. « On n’est pas surpris par ce qui se passe, remarque ainsi Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne. Le dénominateur commun à toutes ces mobilisations, la revendication qui revient tout le temps, c’est celle de la rémunération. Si on avait des prix de vente qui nous permettaient de vivre, on serait plus à l’aise pour faire face aux aléas climatiques et aux différentes crises sanitaires. »
(...)
« Ce ne sont pas tant les normes environnementales ou sanitaires qui sont dénoncées que le sentiment qu’il y a de plus en plus de normes alors même que les agriculteurs n’arrivent pas à vivre de leur travail », enchérit Aurélie Trouvé. Autrement dit, précise la députée, « on leur demande plus d’efforts mais on ne les protège pas des importations de produits qui ne respectent pas ces normes, on ne leur garantit pas des prix qui leur permettent de vivre correctement et de s’engager dans la bifurcation écologique ». À l’automne dernier, le gouvernement a ainsi refusé de financer l’agroécologie et il a balayé les 600 millions d’euros d’aides supplémentaires demandées en soutien à l’agriculture bio.
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En clair, écolos et agriculteurs en colère dressent le même constat d’un mal-être social et économique… mais n’en tirent pas la même analyse. « Je partage leur détresse et je considère que leurs revendications sont légitimes, mais ils n’identifient pas les bons responsables, estime ainsi l’eurodéputé. Accuser les écologistes alors que nous ne sommes pas au pouvoir… Nous, Verts, n’avons pas voté pour cette PAC [Politique agricole commune] qui ne bénéficie qu’à quelques-uns, nous n’avons pas voté pour les accords de libre-échange qui dérégulent les prix. »

Il pointe d’ailleurs un fossé grandissant entre les agriculteurs mobilisés et les directions nationales des syndicats agricoles majoritaires : « Ce que les agriculteurs dénoncent, ce sont les conséquences des politiques des gouvernements successifs, auxquels la FNSEA a toujours été associée. » Un avis partagé par Véronique Marchesseau, secrétaire générale de la Confédération paysanne : « Il y a un détournement par les responsables syndicaux de la FNSEA, des JA et de la Coordination rurale des véritables raisons de nos difficultés, souligne-t-elle. Pour ne pas remettre en cause le système économique productiviste et ultralibéral défendu par ces syndicats, ils ont cherché d’autres responsables. » L’écologie a ainsi fait figure de parfait bouc émissaire.
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La Confédération paysanne pousse ainsi pour que l’exécutif s’attaque « aux réelles causes du problème : la mise en concurrence des agriculteurs les uns contre les autres ».
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Pour apaiser la colère du monde agricole, le syndicat minoritaire a donc ses solutions. « Le gouvernement doit stopper les négociations sur les accords de libre échange et revenir sur ceux signés précédemment, détaille Laurence Marandola. Il faut aussi interdire la vente de nos produits en dessous de leur prix de revient. » Même son de cloche au sein du collectif Nourrir : « Améliorer les minima sociaux, les retraites, faciliter les congés et l’accès au logement… tout ça peut sembler éloigné de l’écologie, liste Clotilde Bato, coprésidente du réseau. Pourtant, il faut que le bien-être social soit garanti pour que les agriculteurs puissent prendre ensuite soin du climat et de la terre. »
Plus de régulation, une meilleure rémunération, voire « un salaire minimum garanti »… autant de mesures défendues par les partis de gauche écologistes. « La gauche doit être aux côtés des agriculteurs, face à l’Europe néolibérale, à la Macronie et aux industries agroalimentaires, souligne aussi Aurélie Trouvé, en faisant le parallèle avec les Gilets jaunes. Tout ceci est compatible avec nos revendications écologiques. »

« Ça nous a anéanti » : le libre-échange tue l’agriculture française

- « Ça nous a anéanti » : le libre-échange tue l’agriculture française - Les traités de libéralisation du commerce ratifiés par l’Europe avec l’aval de la France sont une plaie pour les agriculteurs français. Leurs normes, plus faibles, avantagent les pays exportateurs.
(...) « Supprimer ces normes n’est qu’un mirage », prévient de son côté Sylvie Colas, secrétaire nationale de la Confédération paysanne. Pour elle, l’urgence absolue est tout autre : rompre avec le libre-échange. « Les traités de libéralisation du commerce, signés entre l’Union européenne et différents pays étrangers, créent pour nous une véritable concurrence déloyale, détaille la maraîchère et éleveuse de volailles dans le Gers. N’étant pas soumis aux mêmes normes, les produits importés affichent des prix cassés… tirant ainsi les nôtres vers le bas. » (...) « L’Europe ne cesse, avec l’aval d’Emmanuel Macron, de négocier et ratifier de tels accords. À chaque fois, ceux-ci augmentent les quotas d’importation sans taxe de produits agricoles venant de l’autre bout de la planète. » Dernier en date, l’accord avec la Nouvelle-Zélande, soutenu par 83 % des eurodéputés au mois de novembre 2023. Celui-ci prévoit à terme de supprimer la totalité des droits de douane sur les kiwis, les pommes, les oignons, le miel… ainsi que 10 000 tonnes annuelles de viande bovine, 15 000 tonnes de beurre, 25 000 tonnes de fromages ou encore 15 000 tonnes de lait en poudre. « Il ne s’agit pas de sucre de canne ou de mangues, mais bien d’aliments que l’on sait produire en Europe », poursuit le collaborateur de l’Observatoire des multinationales. (...) Aussi nécessaires soient les normes environnementales, elle dénonce une bataille à armes inégales : « Nous perdons du temps et de l’argent à assurer la traçabilité de la viande, là où celle des produits importés n’est pas demandée. Certains produits vétérinaires proscrits chez nous pour la santé humaine et le bien-être animal sont autorisés là-bas. »
(...)
Alors à quoi bon s’entêter ainsi ? Pour Maxime Combes, l’Europe s’empresse de signer de nouveaux accords pour mettre la main sur des ressources jugées primordiales dans le verdissement de l’économie. À savoir, le lithium, le cuivre ou encore l’hydrogène : « Pour aider les multinationales européennes à ouvrir des marchés dans des pays comme le Chili ou le Kenya, il faut leur acheter quelque chose en échange. Ici, des produits agricoles. » Du côté de la Nouvelle-Zélande, Michèle Boudoin décrit de semblables manœuvres géopolitiques. « Dans les couloirs de Bruxelles, le message est clair : il nous faut un allié dans le Pacifique, quitte à faire trinquer nos éleveurs locaux. »
(...)
Une chose est sûre, aux yeux de Sylvie Colas : pointer du doigt les normes environnementales, c’est se tromper de cible. « La déforestation en Amazonie et les émissions carbones induites par l’acheminement des produits accélèrent la crise climatique. Et celle-ci n’a pas de frontière », insiste la secrétaire nationale de la Confédération paysanne. Dans son département du Gers, cet automne, l’envolée des températures aurait facilité la propagation d’une maladie dans les élevages bovins.

- Sur le Monde :
(...) La Confédération paysanne, troisième syndicat agricole en France, classé à gauche, a appelé mercredi l’ensemble de ses adhérents « à se mobiliser » auprès des agriculteurs déjà sur le terrain, tout en soulignant être en désaccord avec les « solutions proposées » par les syndicats majoritaires.
« Alors que plusieurs Confédérations paysannes départementales étaient déjà mobilisées sur le terrain, la décision de notre comité national va amplifier cette mobilisation », a estimé l’organisation dans un communiqué, soulignant qu’elle lutterait « contre toute forme de récupération de [ces] colères » des agriculteurs « pour attiser le chaos ».
Pour la Confédération paysanne, « le constat est partagé : la colère exprimée est légitime, tant le problème de la rémunération du travail paysan est profond ». En revanche, « sur les solutions proposées, l’agriculture française tourne en rond depuis des décennies derrière la sacro-sainte “compétitivité” chère à l’agrobusiness et aux marchés mondialisés », a ajouté l’organisation dans une allusion au duo syndical FNSEA-Jeunes Agriculteurs.
(...)

Divers articles :

  • À Bruxelles, l’extrême droite drague les agriculteurs - Une cinquantaine d’agriculteurs se sont rassemblés le 24 janvier devant le Parlement européen, à Bruxelles. L’extrême droite a tenté de se faire le porte-voix de leur colère. (...) Que révèle ce rassemblement, certes organisé par des forces droitières ? L’ébullition des campagnes peut-elle profiter massivement aux partis d’extrême droite au prochain scrutin européen ? Rencontré au Parlement européen, en marge de la manifestation, l’eurodéputé écologiste David Cormand assure ne pas être inquiet : « L’extrême droite ne connaît rien à l’agriculture et, grâce à ce mouvement, les masques vont tomber. »
    « Le problème, ce ne sont pas l’Europe ou les normes écologiques, poursuit-il. C’est le libre-échange et une politique agricole commune qui ne bénéficie qu’à quelques-uns, et qui a d’ailleurs été votée par la droite et l’extrême droite. Le problème, c’est aussi ce triangle de l’enfer, que nous sommes les seuls à combattre : l’agro-industrie avec des méthodes extrêmement intensives, les géants de l’agroalimentaire et la grande distribution qui font leurs marges. Ce débat arrive à point nommé. »
  • Deux poids deux mesures : Deux porte-parole des Soulèvements de la Terre encore ciblés par la justice (...) « Ses conclusions étaient courues d’avance », selon Léna Lazare, jointe par Reporterre. « Ce rapport va servir à créer un projet de loi anticasseurs. Ils veulent instaurer la notion de provocation à la violence implicite. Dedans, on pourra mettre tout et n’importe quoi pour dissoudre les organisations qui dérangent », poursuit-elle. À ses côtés, Vincent Gay, le secrétaire général d’Attac confirme : « Nous avons été convoqués par cette commission d’enquête et nous avons compris rapidement que l’enjeu était de développer une logique de l’ennemi intérieur pour ne voir dans les manifestations que de la barbarie afin de faire peur à la population. » (...) Un deux poids deux mesures dénoncé par le député insoumis Éric Coquerel. « J’ai cherché en vain un tweet de Gérald Darmanin sur l’explosion du bâtiment de la Dreal. Rien. C’est étonnant de voir que le ministre criminalise le mouvement écolo mais ne dit pas un mot face aux actions de certains syndicats agricoles », remarque le politique présent au rassemblement de soutien. Il fait référence au terme « écoterroriste » utilisé par le ministre de l’Intérieur juste après Sainte-Soline comme une insulte envers les militants écologistes.
    Aujourd’hui, aucun politicien n’a encore osé qualifier les agriculteurs en colère d’« agroterroristes ». Pourtant, la liste des actions violentes perpétrées par les membres du syndicat agricole majoritaire FNSEA ces soixante dernières années est sans commune mesure avec les mobilisations écologistes, comme l’ont documenté les journalistes de Basta. Face à cela, le gouvernement préfère rester silencieux.
    Gérald Darmanin a même donné mercredi soir des consignes de « grande modération » aux préfets selon Le Monde. Les forces de l’ordre ne devraient intervenir qu’en dernier recours.
  • La terre ou rien ! - Les sources de la colère à l’origine des actuels blocages des agriculteurs sont diverses. La question foncière est sous-traitée alors qu’elle est centrale. Et si on partait de l’usage et de la propriété de la terre pour inverser le cycle de destruction des sols, des vivants et du sauvage ? Ce texte de novembre 2022 n’a rien perdu de son actualité.
    Reprise de terres
  • Émilie et Jérôme, éleveurs de bovins : « On ne s’en sort plus » - Absence d’aides, angoisse des fins de mois... Jérôme et Émilie, éleveurs près de Toulouse, ne tirent aucun revenu de leur travail. Ils ont rallié le mouvement de contestation qui s’amplifie dans la région. (...) Comme de nombreux autres manifestants, Jérôme et sa compagne sont séduits par « l’indépendance du mouvement. Loin des syndicats, qui ne nous représentent pas, tout comme le ministre de l’Agriculture. Ce sont des gens qui ne connaissent pas le monde agricole et les situations que l’on vit
Coincés entre la mafia agro-industrielle et les diktats étatico-capitalistes, de nombreux agriculteurs n’en peuvent plus

🔴AGRICULTEURS EN COLÈRE : A NANTES, DES PAYSANS ANTICAPITALISTES PRENNENT LE ROND POINT DES GILETS JAUNES

Nantes ouvre la voie : pendant que la FNSEA épand son agrobusiness la Conf’ laboure le capital

Ne nous méprenons pas, ce jeudi 25 janvier à Nantes il n’y avait pas un, mais deux rassemblements d’agriculteurs. L’un devant la préfecture, l’autre rond-point d’Armor, deux symboles distincts. Le premier impliquant la FNSEA et refusant tout autre syndicat à son côté afin de défendre seulement des objectifs néo-libéraux. L’autre sur un point névralgique du périphérique, le rond-point face aux galeries marchandes d’« Atlantis » souvent bloqué par les Gilets Jaunes, où la Confédération Paysanne a filtré pendant un peu plus de 2h le trafic afin de distribuer le tract de leurs revendications.

La Conf’, contrairement à la FNSEA, a choisi de cibler directement l’empire de la consommation car c’est bien tout l’enjeu du monde de demain. Les problèmes rencontrés aujourd’hui au niveau agricole sont particulièrement complexes et ne seront pas résolus sans l’implication de toutes et tous. Les gouvernements successifs n’ont fait que de creuser le fossé de la précarité, et la guerre de classe qu’ils mènent ont une conséquence : la majorité de la population doit se nourrir « au moins cher, au plus économique ».

Derrière ce marché des marques de distributeurs (MDD) ou discounters se cache un problème impactant directement la rémunération des produits agricoles, donc des agriculteurs. La grande distribution, pour être toujours plus rentable et compétitive, va chercher l’offre la moins chère que seuls d’autres pays peuvent offrir, là où les contraintes économiques et environnementales sont moindres. En résumé il est beaucoup moins cher de produire certaines denrées équivalentes dans d’autres pays très éloignés plutôt qu’en France. La première revendication des agriculteurs du rond-point d’Armor vise à stopper ce mécanisme : STOPPER le libre-échange afin de stopper l’extinction de la paysannerie française. Cette revendication va de paire avec une autre : interdire l’achat des produits agricoles sous leur prix de revient, ce qui paraît quand même assez logique et qui est pourtant l’exception dans certaines filières.

Contrairement au syndicat majoritaire, la Confédération Paysanne, ses sympathisant-es et ses adhérent-es visent à offrir des solutions aux problèmes connus de tou-tes aujourd’hui : le partage des ressources et une réflexion sur l’évolution des systèmes de production en fonction des contraintes de demain. Le dérèglement climatique, l’appauvrissement des sols le maintien des petites exploitations et leur transmission sont autant de sujet sur lesquels il ne faut pas lésiner afin de construire un avenir durable pour toutes et tous, et pour nos enfants. La FNSEA voudrait bien évidemment abolir les contraintes environnementales pour continuer à mener la profession dans le mur. En défendant l’agro-business la FNSEA ne fait que préserver la cause du problème, c’est le modèle capitaliste et libéral qu’il faut rejeter, pas les normes environnementales ! Soutenons un modèle paysan, à la fois vertueux et équitable pour tout le monde !

En conclusion, bien que certaines revendications puissent être communes avec la FNSEA, la Conf’ vient d’ouvrir le bal dans le 44 et ce n’est que la première manifestation d’un mouvement qui risque de prendre de l’ampleur si le gouvernement reste sourd aux revendications. Les agriculteurs ont besoin, pour continuer à nourrir sainement la population, d’un revenu juste et d’une sécurité à long terme de la profession. À bon entendeur !

FNSEA, LUTTE DES CLASSES : LES AMBIGUÏTÉS DE LAVOLTE AGRICOLE

- Que faire ? -
Face à ce régime détesté et détestable, tout le monde n’attend que l’étincelle. Et si elle venait des agriculteurs ? Mais comment réagir à cette révolte ambiguë et traversée de contradictions ?

➡️ D’un côté, la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs qui travaillent avec le gouvernement Macron. Ce sont des businessman déguisés en paysans, comme le patron de la FNSEA, Arnaud Rousseau qui vient d’une école de commerce, qui spécule sur les produits agricoles et possède 700 hectares de terre, ou Jérémy Decercle, l’ancien président des Jeunes Agriculteurs, aujourd’hui élu En Marche. Les médias dominants et le pouvoir valident intégralement leurs actions, même lorsqu’elles s’en prennent aux préfectures et symboles de l’État.
➡️ De l’autre, les petits exploitants, étranglés par les règles européennes, menacés par le changement climatique, étouffé par le piège de l’agro-industrie qui les oblige à produire toujours plus, à être toujours plus isolés, mal payés, en souffrance. Ces deux mondes sont, en principe, incompatibles et même ennemis. Ils se retrouvent pourtant en même temps sur les routes. Ce qui donne cette situation pleine de paradoxe.
➡️ Dans le Lot et Garonne, le chef du mouvement est Serge Bousquet-Cassagne, agro-industriel millionnaire qui jouit d’une impunité totale, et qui crache sur les Gilets Jaunes à l’antenne de Cnews. Il est le père d’un élu RN, c’est lui qui organise les rassemblements devant la préfecture d’Agen. L’année dernière menacée physiquement l’élue écologiste Marine Tondelier.
➡️ Dans le Tarn, des paysans qui revendiquent un travail rémunérateur s’opposent du même coup au projet d’autoroute A69 aux côté des écologistes.
➡️ À Nantes, le rond d’Armor, celui des Gilets Jaunes de 2018, sera bloqué par la Confédération Paysanne ce jeudi.
➡️ Un peu partout, des attaques de Mc Donalds, de banques, des blocages … avec lesquels on ne peut que ressentir de la sympathie.
➡️ Alors que faire ? Pourquoi pas rejoindre les blocages, y participer, soutenir les petits agriculteurs en lutte et leur colère vers leurs ennemis de classe et pas contre l’écologie.

- vidéo : https://fb.watch/pPf2jjhf3L/

« On répond pas à la souffrance en envoyant des CRS » ose Gérald Darmanin.

Sauf pour :

Les jeunes de quartiers populaires
Les Gilets Jaunes
Les soignant.e.s
Les exilé.e.s
Les pompiers
Les écologistes
Les manifestants pour les retraites
Les féministes
Les spectateurs de foot...

Une telle déclaration de la part du gouvernement le plus répressif depuis des décennies, frappant des catégories toujours plus larges de la population, ne peut être qu’une provocation perverse et délibérée.

(posts de Contre Attaque)

Loin des revendications ultra libérales de la FNSEA

A Draguignan dans le Var, la conf Paysanne mobilise 600 brebis et des tracteurs pour exiger des prix rémunérateurs et la fin des accords de libre-échange.
Loin des revendications ultra libérales de la FNSEA et proche de celles et ceux qui subissent de plein fouet l’hyper industrialisation de l’agriculture.
- vidéo : https://fb.watch/pOy8JhnprQ/

(post de CND)

Quelques rappels utiles : Paysans : histoire d’une extinction de masse… planifiée par l’Etat, une puissante élite agricole et les impératifs capitalistes

- Paysans : histoire d’une extinction de masse…
Alors qu’ils représentaient un tiers des travailleurs français en 1946, les paysans sont aujourd’hui une espèce en voie de disparition. De la modernisation des « Trente glorieuses » aux réformes de la politique agricole commune des années 1990, leur effacement, spectaculaire, n’a rien d’un accident historique. C’est l’histoire d’une dépossession, voulue par l’État et une puissante élite agricole, au profit d’une agriculture industrielle concentrant les terres et les machines.


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