Censures au profit des entreprises et des autorités : la liberté de la presse, un vieux souvenir ?

Nouvel exemple avec Mediapart

dimanche 27 novembre 2022, par Auteurs divers.

Les sociétés dites libérales adorent mettre en avant la liberté d’expression dans leurs zones d’influence.
Sauf que cette liberté est assez souvent sabrée si elle dérange trop.

Et puis les mécanismes standards du liber marché sont là pour exclure tranquillement et en douceur tout ce qui ne rentre pas dans le moule de l’idéologie capitaliste. Vous pouvez vous exprimer, mais dans des niches, des zones pour publics spécialisés sans possibilité de rivaliser avec l’audience des grands groupes et des milliardaires.

Censures au profit des entreprises et des autorités : la liberté de la presse, un vieux souvenir ?

📰CENSURE DEDIAPART : LA LIBERTÉ DE LA PRESSE, UN VIEUX SOUVENIR ?

- Série d’attaques gravissimes contre la pluralité médiatique et la liberté d’expression

Vendredi 18 novembre 2022, le tribunal de Paris a ordonné sans audience ni débat contradictoire la censure préalable d’une enquête de Médiapart. Dans la foulée, un huissier se présentait au siège du média pour signifier aux journalistes qu’il leur est interdit de publier leur article « sous astreinte de 10 000 euros par extrait publié ». Cette atteinte à la liberté de la presse est inédite depuis le 19e siècle. Médiapart écrit : « à notre connaissance, jamais ce moyen exceptionnel n’a été utilisé dans une affaire de presse, c’est du jamais-vu dans notre histoire républicaine depuis la loi du 29 juillet 1881 », date à laquelle le droit d’information et la liberté d’expression a été protégé par la loi.

Quel est l’article censuré ? Des révélations sur les pratiques du maire de Saint-Étienne, l’élu de droite Gaël Perdriau, qui avait fait chanter l’un de ses adjoints avec une sextape filmée à son insu. Pour justifier la censure, le tribunal invoque « une atteinte à la vie privée ». Alors même que c’est ce maire, accusé de chantage et d’humiliations, qui a lourdement porté atteinte à la vie privée pour obtenir du pouvoir politique ! Et Médiapart n’a même pas pu défendre ses droits. Cette affaire s’inscrit dans une longue série d’attaques gravissimes contre la liberté de la presse.

- Sur Mediapart : https://www.mediapart.fr/journal/france/211122/un-magistrat-ordonne-la-censure-prealable-d-une-enquete-de-mediapart

🔴Excuses du Monde

Début septembre 2022, un chercheur en science politique évoquait dans les colonnes du Monde la visite de Macron en Algérie. Lors de ce déplacement, le président avait sorti une énormité face aux caméras : il avait qualifié les relations entre la France et l’Algérie d’une « histoire d’amour qui a sa part de tragique ». Macron avait également récusé toute « repentance » pour la colonisation. L’auteur de la tribune du Monde analysait la « droitisation » de Macron à propos de la mémoire de l’Algérie et invitait à une « lutte ambitieuse contre les haines racistes ». Le lendemain, Le Monde annonçait la suppression de l’article, et présentait publiquement ses excuses au président de la République. Un grand journal qui se prosterne devant le monarque pour un crime de lèse majesté. Ahurissant.

🔴Police politique

En 2019, la journaliste Ariane Chemin, reporter au quotidien Le Monde, était convoquée par les services de renseignement.
C’est elle qui avait diffusé les premières informations sur l’affaire Benalla. C’est elle aussi qui avait des articles sur les réseaux mafieux qui entourent Benalla, au sommet de l’État, dans les cercles de l’Élysée. Cette convocation en disait déjà très long sur le sentiment de toute puissance du gouvernement. Dans le cadre de l’affaire Benalla, des policiers avaient aussi tenté de perquisitionner les locaux de Mediapart le 4 février 2019. Une atteinte inédite à l’époque contre la presse. 3 ans plus tard, un tribunal a condamné cette tentative, jugeant qu’elle n’était « ni nécessaire dans une société démocratique ni proportionnée à l’objectif poursuivi ».

🔴Ventes d’armes

Toujours en 2019, le média d’investigation Disclose a travaillé sur les armes vendues au Yemen. Un énorme scandale : le gouvernement avait menti, en prétendant qu’aucune arme française n’était utilisée dans la guerre atroce menée au Moyen Orient. Les journalistes avaient démontré que la France avait vendu pour 1,4 milliards d’euros d’armes à l’Arabie Saoudite, qui massacre des dizaines de milliers de civils au Yemen. Un mensonge d’Etat. Non seulement la ministre de la Défense n’a pas démissionné mais au contraire Macron avait dit « assumer » ces ventes d’armes. Et les journalistes qui ont révélé l’affaire ont été convoqués par la DGSI. Une enquête est ouverte contre eux pour « compromission du secret de la défense nationale ». L’antiterrorisme contre des journalistes.

🔴Surveillance

Entre 2015 et 2016, François Ruffin et son journal Fakir ont été espionnés. Ce journal enquête régulièrement sur les grandes fortunes, et en particulier celle de Bernard Arnault, le milliardaire le plus riche de France, et parton de LVMH. Les mails privés, les informations personnelles, l’organisation du journal : tout a été espionné. Plus intéressant : celui qui supervisait cette opération illégale de surveillance d’un journal s’appelle Bernard Squarcini. Proche de Sarkozy, ancien chef des services de renseignement, et actuellement au service de LVMH. Entre une milice privée patronale et la police d’État, il n’y a même plus l’apparence d’une séparation.

🔴Enquêtes déprogrammées

Le 6 octobre 2022, le tribunal de commerce de Nanterre au nom du secret des affaires, a condamné le média Reflets.info. Le site avait démontré que le milliardaire Patrick Drahi avait menti devant les sénateur lors d’une audition, en affirmant qu’il n’avait pas de société au Panama. La justice a même interdit au média de publier « de nouvelles informations » sur le milliardaire. Une première : la loi de Macron sur le secret des affaires permet officiellement de censurer la presse. En 2016 déjà, une enquête de Canal + sur l’évasion fiscale au sein du Crédit Mutuel avait été déprogrammée par le milliardaire Bolloré qui venait de racheter la chaîne.

🔴Monopole

Bolloré, Drahi, Arnault, Dassault, Pinault. neuf milliardaires se partagent 90 % des quotidiens nationaux vendus en France et la majorité de l’audience télé. Durant la campagne présidentielle, l’écrasante majorité du temps de parole a été offerte aux candidats de droite et d’extrême droite, et la quasi totalité des sujets abordés par les médias dominants recoupent les thèmes de prédilection de l’extrême droite. Une étude révèle qu’à peine 30% de la population déclare encore « faire confiance aux médias ». Un taux comparable à celui de la Slovaquie et la Hongrie.

🔴Démocratie défaillante

Amnesty International a dénoncé à plusieurs reprises la France pour sa « répression des manifestations pacifiques » et ses entraves à la « liberté d’expression ». En 2021, une tribune signée par 23 intellectuels reconnus mondialement s’affolait du « recul de la démocratie en France » en particulier des lois autoritaires et des mesures racistes, qualifiées de « menace pour la liberté dans le monde ». Une étude du journal The Economist s’alarmait d’un « énorme recul des libertés démocratiques » classe la France dans la catégorie des « démocraties défaillantes ».

La France est désormais un régime hybride, où les rares médias non contrôlés par les ultra-riches sont censurés, quand il ne sont pas directement menacés de dissolutions. Un pays où toute expression de rue est réprimée. Face à cette situation, il est vital de soutenir massivement les médias indépendants, et d’organiser de véritables contre pouvoirs. C’est possible, en sortant de la tétanie générale : ils ont le chiffre, on a le nombre.

(post de Contre Attaque)

- autre exemple tout récent dans le monde anglo-saxon :
Elon Musk bannit CrimethInc. de Twitter à l’instigation d’un troll d’extrême droite
Le 25 novembre, à la demande d’un troll d’extrême droite, Elon Musk a suspendu le compte Twitter @crimethinc. L’objectif de Musk en acquérant Twitter n’avait rien à voir avec la "liberté d’expression" - il s’agissait d’une démarche partisane visant à faire taire l’opposition tout en ouvrant un boulevard à l’extrême droite. Cela met en évidence les dangers de dépendre des plateformes de médias sociaux appartenant aux grandes entreprises.


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