Petit attroupement dans le passage de la mairie à Crest. Scrutant le plan de ville, un groupe de touristes s’interroge :
- Mais où est donc le Centre d’art ?
- Rive sud, madame, renseigne un local.
- Vous êtes sûr ? Sur le parking des mobil-home ? On en vient. On n’a rien vu.
Comment s’en étonner ? Aurait-on voulu camoufler l’édifice qu’on ne s’y serait pas pris autrement.
Le globe-trotter sait que la France n’aime pas la couleur : là où aux Etats-unis, en Australie les voitures arborent le jaune citron, le vert émeraude, le bleu roi, les nôtres hésitent entre les nuances du blanc cassé, le bleu éteint, le jaune lavasse.
Et même le Japon et ses ryokan aux teintes de bois et de vieux cuir exhibe Shinjuku !
Serait-ce un effet de l’âge, d’une population vieillissante, réticente à tout ce qui pourrait évoquer la joie, le dynamisme, la vigueur, la créativité ? Car c’est bien ce qui frappe le piéton transplanté d’Asie qui arpente la grand’rue avec en tête le souvenir de la rue orientale : elle est vieille la calade, il est vieux le badaud !
Or, il existe pourtant à Crest une tradition de couleur, qu’on trouve aux façades, mais surtout aux encadrements de fenêtre, dont certaines évoquent Mondrian ! (voir ci-dessous)
Pourquoi a-t-on fait le choix du terne, du maussade, de l’ennui, du monotone, plutôt que celui de la vie, de la couleur, de la vibration ?
Serait-ce l’utopie d’une société sénile qui au foisonnement de la jeunesse, au bourgeonnement vital, préfère le terne, la fadeur du convenu, l’habitude corsetée, les brunitudes et les jaunasseries des sphincters flapis qui bientôt s’oublieront entre les draps d’un Ehpad ?