RICOCHETS — Salut ! Comment vous y êtes vous pris pour écrire ce texte ?
AUTEUR·ICE — c’est une écriture a plusieurs mains. Il y a eu probablement 5 à 10 personnes, car c’était sur un outil d’écriture collaborative anonyme.
RICOCHETS— vous avez fait ça quand ?
AUTEUR·ICE — la semaine dernière
RICOCHETS— et ça a donné un truc cohérent ?
AUTEUR·ICE — eh bien oui, en fait les deux premières personnes avaient fait une trame et donné le ton, et trouvé les personnages. Donc déjà le cadre était donné. Après le thème, la santé publique mis en danger, interpelle beaucoup. Ça donnait un texte trop long pour le carnaval, chacun·e voulant donner des précisions, rajouter des éléments à dénoncer, et tous très à propos…
RICOCHETS— pourtant ça ne paraissait pas si long samedi ?
AUTEUR·ICE —En fait on a précisé dans l’entête du texte que les interprètes avaient libre choix de faire les coupes qu’ielles voulaient.
RICOCHETS — Et ielles ont eu le temps de faire ça dans la semaine ?
AUTEUR·ICE — Oui, la veille au soir d’ailleurs, enfin deux d’entres elleux qui était disponible. Comme ielles avaient un regard neuf, c’était plus facile de couper en repérant les répétitions, les notions déjà abordés. Et puis les auteur·ices étaient d’accord pour dire que c’était trop long. En fait même après la coupe, c’était encore un peu long. Et pendant le jeu, les interprètes ont jugé préférable de raccourcir encore, en impro, en allant directement à la fin.
Ci dessous, le texte, (coupé par les interprètes le vendredi soir).
TEXTE COLLABORATIF
Personnages :
Le/la Procureur·e (accuse le grand capital d’écraser l’hôpital public, les soins universels, les soignant.es)
L’Avocat·e de la défense (défend l’efficacité des soins, le management, le marché des soins privés, Big Pharma)
Le/la Statisticien·ne (des lunettes et un grand registre qui se déroule, il/elle balance les chiffres à intervalles réguliers)
Le/la Juge, tout le long du procès, demande le silence à la foule s’il y a, et redonne la parole ("vous pouvez poursuivre")
//////////////// QUI POUR INTERPRÉTER ? /////////
Pas besoin de mémoriser, on joue avec le texte sous les yeux
+ ceux celles qui s’emparent du texte l’adaptent à leur sauce bien sûr, y compris couper dans le texte, enlever des personnages...
/////////////// LE PROCÈS de CARAMANTRAN /////////
TAMBOUR : Roulements de tambour
— "Oyez braves gens ! En l’an de grâce 2025, se réunissent ce jour du 5 avril, en lieu et place de justice de paix, la cour carnavalesque populaire de Crest !
Faites Silence s’il vous plait…"
Nouveaux roulements de tambour…
— " La cour…"
entre la cour (juge)
Le/La JUGE :
— Nous examinons aujourd’hui la demande de justice populaire à l’encontre du Sieur Caramentran. … M.Mme le·a procureur·e, merci de nous adresser les faits et griefs retenus par l’accusation.
Le/La PROCUREUR·E :
— M. Mme le Juge, M. Mme l’avocat·e de la Défense, mesdames et messieurs, illustre assemblée, nous sommes aujourd’hui réuni·es pour juger le Sieur Caramantran ici affalé dans toute sa morgue et toute sa médiocrité rapace,... (elle le désigne du bras)... nous sommes ici réunies pour juger de sa responsabilité dans le déclin de l’hôpital public et plus largement de son incapacité, aujourd’hui en France, à soigner les personnes qui en ont besoin.
L’AVOCAT·E DE LA DÉFENSE (peste et lève les yeux) :
— Fffff .... aux faits s’il vous plaît !
(En aparté) : Toujours qu’il se prenne pour Victor Hugo celui-là !
Le/La PROCUREUR·E :
— J’ACCUSE !
L’AVOCAT·E DE LA DÉFENSE :
— Ah non c’est Zola !
Le/La PROCUREUR·E :
— J’ACCUSE !
L’AVOCAT·E DE LA DÉFENSE :
Sérieusement ?
Le/La PROCUREUR·E :
— J’ACCUSE Caramantran... ici présent de mettre en danger ni plus ni moins la vie de tous les habitant.es de cette nation ! IL NOUS ASSASSINE ! Par ses attaques répétées, maintes fois reformulées, ses attaques insidieuses envers l’hôpital public,
J’accuse Caramantran d’opérer sans remord au sein de notre société UN TRI ! …..
L’AVOCAT·E DE LA DÉFENSE (lui coupant la parole) :
— un tri et bien oui ! Je vous arrête ! Le tri sélectif ! Quoi de plus vertueux, nous en sommes tous d’accord ici non ? (il rit)
Le/La PROCUREUR·E (ignore la remarque) :
— .. Je parle ici d’un tri ignominieux ! Un tri entre les vies valables et les existences négligeables, celles des gens de rien, des invisibles, des indigents, des insolvables !
L’hôpital public se meurt ! Le Capital-Caramentran, uniquement guidé par ses instincts mercantiles, détruit à petits feux et grands incendies un système merveilleusement protecteur, un symbole de solidarité tout autant que de progrès. CaramanKapital détourne depuis 40 ans le bien public au profit des lobbys pharmaceutiques et de la course effrénée à la rentabilité.
Performance et productivité ! Des mots qui dénotent une parfaite ignorance des métiers du soin.
Combien de lits d’hôpital supprimés ces dernières décennies ?
Le/La STATISTICIENNE :
11 lits pour 1000 habitants en 1980
6 lits pour 1000 habitants en 2024
c’est-à-dire - 40% de lits d’hospitalisation supprimés depuis les années 1980s.
L’AVOCAT·E DE LA DÉFENSE :
— Dans le même temps il n’y a qu’un seul lit pour 1000 en Centrafrique .
Même avec nos 6 lits pour 1000, ne sommes-nous pas simplement habitués au luxe ?
Laissez les soignants faire leur vrai travail ! Soigner !
Laisser les gestionnaires, gérer !
Les managers, manager !
Les services de l’industrie hôtelière …planifier les lits !
À chacun son métier !
Si le nombre de lits diminue… c’est simplement qu’ils sont mieux utilisés !
Le/La PROCUREUR·E :
Mieux utilisés ! Ce n’est pas l’avis des soignantes et soignants qui sont en première ligne ! Combien abandonnent le navire, épuisé·es par la tâche impossible et les cadences intenables ?
Le/La STATISTICIENNE :
— la DREES indique qu’à l’hôpital, 41 % des agents soufrent de dépression légère à sévère.
Le/La PROCUREUR·E :
L’été dernier, un « mur de la honte » affichait devant un hôpital de Brest le nombre de personnes de plus de 70 ans obligées d’attendre plus de 12h aux urgences, sans rien à manger, rien pour les soulager. Qu’est-ce que cette maltraitance raconte de notre société ? Et comment continuer à faire son métier dans de telles conditions ?
L’AVOCAT·E DE LA DÉFENSE :
— Vous faites référence à des syndicalistes enragé·es qui prennent en otage la sensibilité des citoyens pour réclamer encore des avantages...
Le/La PROCUREUR·E :
— Taisez vous ! Car désormais ce sont les jeunes, le futur de la nation, qui est en ligne de mire : la prévention en santé sexuelle pour elles et eux, comme pour toute la population, est menacée aujourd’hui même dans la Drôme !
L’AVOCAT·E DE LA DÉFENSE :
— Mr/Mme le procureur, si je puis me permettre : vous nous infantilisez !
A l’époque du « Care », du prendre soin, tellement important dans nos vies frénétiques, eh bien le Care commence par soi-même !
Les gens qui ne prennent pas soins d’eux font peser le coût de leurs déconvenues à tous les autres !
Il est en effet du ressort de tout individu de bien manger et de bien boire, de pratiquer une activité sportive régulière, de manger sain 3 fois par jour. De ne pas grignoter entre les repas....
Le/La STATISTICIENNE :
— 5 fruits et légumes par jour sont en effet recommandés par l’institut français de..…
L’AVOCAT·E DE LA DÉFENSE (coupe la parole) :
— Car enfin ! ... ce n’est pas en Biovallée qu’on aura du mal à se procurer légumes et fruits de saison, n’est-ce pas ? Il n’est pas bien difficile de complémenter ses apports en vitamines, oligo-éléments, en .. euh.. produits galacto-fermentés, en .. aaah.. euh .. en spuriline euh .. Spérilune ? .. enfin cette sorte d’algue là ..
Le/La STATISTICIENNE : mangerbouger.fr mangerbouger.fr mangerbouger.fr
L’AVOCAT·E DE LA DÉFENSE
— ... il s’agit aussi d’être responsable, et de ne pas saturer les urgences pour le moindre bobo à son doi-doigt ou la moindre petite douleur abdominale de jeune fille… À l’époque du service militaire, nos jeunes n’étaient pas aussi chochottes !
Regardez cette femme, là Mme.. euh.. Dati ! Mme Dati : elle accouche le lundi... et le samedi, elle est au bureau ! .. Voilà !
CHORALE LA HORDE : entame un chant … montée du son graduelle
L’AVOCAT·E DE LA DÉFENSE (continue par dessus les chants) :
— Vous parliez des centres de santé sexuelle, et bien, parlons-en ! Ces 7 centres dont vous dites qu’ils sont "menacés", eh bien ces centres ont de très mauvais indicateurs de performance.
Le/La STATISTICIENNE (voix robotique) :
Selon le département, Les Centres de de santé sexuelle de Hautes Rives et Saint-Jean en Royan n’avaient que 0 à 1 consultation par mois.
Le/La PROCUREUR·E :
— Peut être parce que l’unique conseillère de ce centre était en congé maternité non remplacé, ce qui pourrait expliquer ces chiffres.
Mais enfin ! Il n’y a pas que des médecins dans un centre de santé sexuelle ! Il y a aussi des psychologues, des conseillèr.es conjugales, des sage-femmes : les situations délicates, celles de violences par exemple, nécessitent bien souvent de nombreux rdv et du temps pour un échange respectueux où peut s’installer la confiance, ce temps-là n’est pas pris en compte dans vos indicateurs !
CHORALE LA HORDE : Chant la horde à fond … avec les paroles !
L’AVOCAT·E DE LA DÉFENSE :
— Oui mais quand même il faut les financer toutes ces structures et toutes ces bonnes femmes qui discutent pendant des heures en buvant de la tisane !
(huée - brouhaha de la foule - le ou la juge demande le calme)
Eeeh oui ! Nous vivons dans un monde où le chiffre est nécessaire et où le soin (il se moque), le lien, les rapport humains... gnagna gni ... cachent souvent un graaand laisser-aller .. (il s’emporte) UNE VRAIE CHIENLIT MÊME ! .... ET NON ! JE N’Ai PAS PEUR DE LE DIRE : TOUT çA , çA COÛTE UN POGNON DE DINGUE !!
Huées .. La Juge demande le calme
Le/La PROCUREUR·E :
— Mr/Mme l’avocat.e, comme vous dites, le contribuable a le droit d’être informé sur la destination de son impôt ... alors dites-nous : combien de millions de bel argent public a-t-il été versé à l’industrie pharmaceutique par le gouvernement ces dernières années ?
Le/La STATISTICIEN·NE :
— Depuis 2021, 580 millions d’euros ont été versés par l’état en soutien à l’industrie pharmaceutique .... auxquels il faut ajouter 850 millions pour l’investissement ...
Le/La PROCUREUR·E :
— et les profits en temps de pandémie ! Et les dividendes record versés aux actionnaires !
Voilà ce qui freine l’innovation sociale et la justice !
Le/La STATISTICIEN·NE :
— Le groupe SANOFI, par exemple verse en moyenne 4 milliards d’euros de dividendes par an à ses actionnaires.
L’AVOCAT·E DE LA DÉFENSE :
— Et alors ? Combien d’emplois créés grâce à Novartis, Sanofi, Servier ? Voilà qui donne du travail à nos familles.
Le travail c’est la Santé !
Arrêtons de taper sur les riches, sinon je vous le dis, plus rien ! .. ne ruissellera dans la Drôme !
(Il s’interrompt) .. Attendez... ma rolex sonne.. Ah ! il est 20h ! ... (il se tourne vers la foule)
On applaudit les soignantes et les soignants, s’il vous plait, tous ensemble oui merci ; applaudissons ! Ils font un travail remarquable, avec courage et dévouement. J’ai pour eux pour elles beaucoup d’admiration, beaucoup de respect… Applaudissons-les ! Ils en ont bien besoin !
Le/La PROCUREUR·E :
— Et je voudrais aussi parler de la santé mentale.
L’AVOCAT·E DE LA DÉFENSE avec un sourire :
— Ah oui, ça on peut en parler, c’est la grande cause nationale 2025 !
Le/La PROCUREUR·E :
— Bla bla bla ! Souriez, souriez. Nous, nous regardons les faits. Partout en France la situation de la psychiatrie se dégrade. L’état voudrait soigner à grand coup de traitements médicamenteux et de laboratoires, là où nous avons besoin d’un véritable service public de la santé mentale basé sur une approche relationnelle.
L’AVOCAT·E DE LA DÉFENSE :
Les grands groupes pharmaceutiques se lèvent tôt, travaillent dur pour trouver les molécules miracles et ce travail mérite salaire. C’est la base non ?
Le/La PROCUREUR·E :
— Mais laissez donc les molécules dormir au fond des éprouvettes ! Regardez le climat social. Racisme, LGBTphobies, grossophobie, validisme, sexisme, classisme... Et vous voudriez que ça aille bien ? Que ce soit joyeux de naître, vivre et vieillir dans ce pays ?
Avant de dépenser nos milliards dans des grands groupes privés, il faut déjà rendre ce pays habitable pour toutes et tous, que les droits et besoins de chacun.e soient respectés.
L’AVOCAT·E DE LA DÉFENSE :
— Attention on va bientôt avoir droit à la pyramide de Maslow (rire) Il va nous falloir un paperboard (rire)
TAMBOUR
Roulement de tambour (sur signe de la juge) " La Cour ! ... La Cour va rendre son verdict"
Le/La JUGE :
— En ce 5 avril de l’An de grâce 2025, la Cour prononce le jugement ainsi fait :
Les chefs d’accusation sont les suivants :
- Mise en risque de la santé publique ;
- Comportement kleptocratique mettant en danger le bien commun ;
- Soutien à un système de santé mercantile plutôt que préventif
Après avoir soigneusement étudié les faits, la Cour juge Caramentran :
.... roulement de tambour.... ¡¡ COUPABLE !!! Il est ainsi condamné à être brulé en place publique en bord de la rivière !
Foule en liesse !
Final : l’avocat·e de la défense se trouve mal, tousse, se courbe
Tout le monde se détourne de lui, ielle reste seul·e avec le ou la statisticienne. Ielle continue à tousser, crache, s’étouffe, appelle à l’aide …
quand le calme revient un peu dans l’assistance
l’avocat sort son téléphone, compose le 15...
Le/La STATISTICIENNE (voix robotique) :
— … vous êtes en communication avec le SAMU…
... si vous êtes assuré, composez votre numéro de Sécurité sociale à 10 chiffres suivi de la touche dièze...
...…si vous êtes en difficulté tapez "étoile" suivi des 5 chiffres de votre code postal …
..... en raison d’un grand nombre d’appels nous ne pouvons donner suite à votre demande… veuillez renouveler votre appel ultérieurement.
(il succombe et se fait enfouir par la foule)