C’est le 1er mai : vive la journée contre le travail !

Quelques rappels historiques et quelques notions fondamentales pour ne plus « fêter le travail » ou le muguet

vendredi 1er mai 2020, par Auteurs divers.

Au lieu de se faire manipuler par la notion merdiatique déviante de « Fête du travail » ou du muguet, revoyons les fondamentaux :

C’EST LE 1ER MAI : VIVE LA JOURNÉE CONTRE LE TRAVAIL

Désormais immanquablement présentée par nos dirigeants comme une célébration du travail, de la servitude moderne qu’ils imposent. Cette journée, dont les origines sont ouvrières et anarchistes, instaurée en mémoire du massacre de Haymarket Square du 4 mai 1886, découle historiquement d’une opposition au travail tel qu’il est défini et imposé par le capitalisme et l’État. Ce 4 mai 1886, un rassemblement et une marche sont organisés à Chicago, en protestation contre la violente (meurtrière) répression policière que subissent les ouvriers. Plusieurs anarchistes prennent la parole, dont Albert Richard Parsons. En fin de journée, les policiers chargent, tentant de disperser le rassemblement. Une bombe est lancée au milieu des agents, qui se mettent à ouvrir le feu sur la foule. Plusieurs civils et policiers sont tués.

C’est le 1er mai : vive la journée contre le travail !
Ici mai 68

Après l’attentat, en guise de vengeance, sept hommes sont arrêtés, accusés des meurtres de Haymarket. August Spies, George Engel, Adolph Fischer, Louis Lingg, Michael Schwab, Oscar Neebe et Samuel Fielden. Un huitième nom s’ajoute à la liste quand Albert Parsons se livre à la police. Le 19 août, au terme d’un procès particulièrement inique, tous sont condamnés à mort, à l’exception d’Oscar Neebe qui écope de 15 ans de prison. Un vaste mouvement de protestation international se déclenche — on apprendra, ultérieurement, qu’ils étaient tous innocents. Les peines de mort de Michael Schwab, Oscar Neebe et Samuel Fielden sont commuées en prison à perpétuité (ils seront tous les trois graciés le 26 juin 1893). Louis Lingg se suicide en prison. Quant à August Spies, George Engel, Adolph Fischer et Albert R. Parsons, ils sont pendus le 11 novembre 1887. Les capitaines d’industrie purent assister à la pendaison par invitation.

Au cours du procès, Albert Richard Parsons prononce un discours intitulé « Nous voulons la liberté pour l’esclave » (We Seek Liberty for the Slave), qui pourrait bien avoir été écrit hier soir, et dont voici quelques extraits :

« Je sais ce que la vie réserve aux masses. J’étais des leurs. Je dormais dans leurs mansardes, et vivais dans leurs clapiers. Je les ai vus travailler et mourir. Je travaillais avec des filles en usine — qui se prostituaient, parce qu’elles ne pouvaient pas gagner assez pour vivre. Je voyais des femmes malades à cause du surmenage, brisées dans leur corps et dans leur esprit à cause de la vie qu’elles étaient obligées de mener. J’ai vu des filles de dix à quatorze ans travailler pour une somme dérisoire. J’ai vu comment leur moral était détruit par le langage grossier et vil et le mauvais exemple de leurs ignorants collègues de travail, qui les conduisaient elles-aussi sur ce même chemin de la misère, et en tant qu’individu je ne pouvais rien faire. J’ai vu des familles affamées et des hommes valides travailler jusqu’à la mort.

[…] Avant tout, notre perspective, celle des anarchistes, considère que tout gouvernement est despotisme ; que le gouvernement est une organisation d’oppression, et que la loi, le droit, est son agent. L’anarchie est anti-gouvernements, anti-dictateurs, anti-patrons et anti-dirigeants. L’anarchie est la négation de la force ; l’élimination de toute autorité dans les affaires sociales ; la négation de la domination d’un homme sur un autre. C’est le partage des droits, du pouvoir, des devoirs, également et librement entre tous les individus.

[…] Le travailleur dispose d’un droit naturel à la vie, et comme la vie est impossible sans moyens de production, le droit à la vie implique un droit égal à des moyens de production. Le droit légal du capitaliste est pratiquement l’affirmation selon laquelle un homme dispose d’un plus grand droit à la vie qu’un autre homme, puisqu’il nie l’égalité des conditions naturelles. Notre système social actuel est donc basé sur la légalisation du vol, de l’esclavage et du meurtre. L’ouvrier qui ne reçoit qu’une simple pitance comme fruit de son labeur est volé. L’ouvrier forcé de mendier du travail et de l’accepter à n’importe quelles conditions sous peine de mourir de de faim est un esclave. L’ouvrier incapable de trouver de travail mais trop fier pour mendier, voler ou devenir pauvre, est assassiné au travers d’une lente privation.

[…] Dire à l’esclave : “tu es libre de penser que tu devrais être libre, mais tu n’as pas le droit d’être libre”, quelle farce ! Me forcer à travailler et à souffrir pour votre bien, puis me consoler en me disant que je suis libre de penser ce que je veux, c’est une insulte à la liberté. C’est le fruit de l’autorité, de la force, du gouvernement.

[…] Les travailleurs sont sans pays. Partout, ils sont dépossédés, et l’Amérique ne fait pas exception. Les esclaves salariés sont les larbins des riches dans tous les pays. [...] À l’avenir, les travailleurs ne combattront que pour leur propre défense, et ne travailleront que pour eux-mêmes et non pour un autre. Tous les gouvernements sont des conspirations visant à asservir les travailleurs.

Examinez donc la moralité du système capitaliste. Dans le système capitaliste, tout est à vendre. L’amour, l’honneur, la liberté, tout est à vendre ; tout a son prix, dans ce système marchand moderne ; le profit et la perte ; […] et cela incite chaque homme à être un menteur et un hypocrite. On apprend aux hommes à être hypocrites, à porter un masque, à mentir, à tout déformer. Aucun homme ne peut être honnête et réussir dans les affaires ou gagner de l’argent. C’est impossible. L’honnêteté est punie par la pauvreté, tandis que la malhonnêteté se délecte dans tous les luxes. »

Non, rien, vraiment, rien n’a changé, n’est-ce pas ?

(Source : Partage-le)

C’est le 1er mai : vive la journée contre le travail !
vive le 1er mai et les gestes barricades !

- Complément : Libérons-nous du travail – PDF - Texte complet en libre accès - Voici le pdf de notre tout premier ouvrage, épuisé depuis longtemps, celui avec lequel nous lancions cette maison d’édition à la fin de l’année 2016 : Libérons-nous du travail du Comité érotique révolutionnaire.

P.-S.

- voir aussi :

  • Les Martyrs de Chicago - aux origines du 1er mai - Le 1er mai 1886, la pression syndicale permet à environ 200 000 travailleurs américains d’obtenir la journée de huit heures. Mais d’autres, moins chanceux, au nombre d’environ 340 000, doivent faire grève pour forcer leur employeur à céder.
    Le 3 mai, une manifestation fait trois morts parmi les grévistes de la société McCormick Harvester, à Chicago. Une marche de protestation a lieu le lendemain et dans la soirée, tandis que la manifestation se disperse à Haymarket Square, il ne reste plus que 200 manifestants face à autant de policiers. C’est alors qu’une bombe explose devant les forces de l’ordre. Elle fait une quinzaine de morts dans les rangs de la police.
  • L’idéo­lo­gie du travail (par Jacques Ellul) - Il faut, avant toute recherche ou réflexion sur le travail dans notre société prendre conscience de ce que tout y est dominé par l’idéo­lo­gie du travail. Dans la presque tota­lité des socié­tés tradi­tion­nelles, le travail n’est consi­déré ni comme un bien ni comme l’ac­ti­vité prin­ci­pale. La valeur éminente du travail appa­rait dans le monde occi­den­tal, au XVIIe
  • Le 1er mai sera bien une journée de luttes ! - Malgré la situation inédite liée à l’épidémie de coronavirus et au confinement, les appels se multiplient pour marquer dignement cette traditionnelle journée internationale de luttes ! Les différents rendez-vous en région parisienne dans cet article.
  • 1er Mai Ni fête, Ni Procession ! - En France, la journée du 1er Mai, originellement teintée du sang des compagnons de Chicago et de tous ceux et celles qui crevèrent de l’oppression régnante, a été rebaptisée par Pétain « Fête du travail et de la concorde sociale », en 1941.
    Pour illustrer cette déviation historique sur les origines de cette date qui cicatrise encore, partout sur la planète, voilà un texte ancien, mais toujours brûlant d’actualité.
  • 1er mai : pour des cortèges sans cortèges - Pourquoi faut-il quand même manifester le 1er mai ? Après un rapide historique de l’évolution des manifestations depuis 2016 on se rend compte que la distanciation sociale peut très bien aller dans le sens d’une dissolution des cortèges purement syndicaux et un développement de cortèges sauvages.

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