« C’est la criminalisation des idées politiques de gauche qui est en jeu dans ce procès. »

Procès du « 8 décembre » - Tribune

mardi 24 octobre 2023

L’offensive du régime macroniste, des autres droitistes et de l’Etat-capitalisme contre les mouvements subversifs de gauche et leurs idées s’étend dans les médias dominants, dans la répression policière, et aussi dans les lois et procès. Nouvel exemple :

« C’est la criminalisation des idées politiques de gauche qui est en jeu dans ce procès. »

⚖️ TRIBUNE : NE NOUS LAISSONS PAS (ANTI)TERRORISER

– « Solidarité avec les inculpé·es du 8 décembre » –

« C’est la criminalisation des idées politiques de gauche qui est en jeu dans ce procès. » En soutien aux inculpé·es du procès dit de « l’ultragauche », un ensemble d’intellectuel·les, artistes, militant·es, journalistes dénonce « l’assimilation des militant·es de gauche à des terroristes, et la criminalisation des personnes engagées pour plus de justice, de solidarité et d’écologie ».

Le mardi 8 décembre 2020, neuf personnes qui ne se connaissent pas toutes ont été arrêtées aux quatre coins de la France par la Direction Générale de la Sécurité Intérieure (DGSI) dans le cadre d’une enquête pour « association de malfaiteurs terroristes ». Elles risquent plusieurs années de prison alors même que l’accusation reconnaît qu’à l’issue de trois années d’instruction, aucun projet d’action violente ne peut leur être reproché.
Le Monde, Politis, Telerama - pour ne citer qu’eux - évoquent pêle-mêle les « contradictions fondamentales du dossier », des « preuves évanescentes » et des éléments « particulièrement fragiles ». Tous soulignent avant tout la crainte d’un « effet tâche d’huile sur les mouvements sociaux et écolos » en cas de condamnation. Car en l’absence d’éléments matériels, c’est bien la criminalisation des idées politiques de gauche qui est en jeu dans ce procès.

Nous, intellectuel·les, artistes, activistes, personnes concernées par la répression, humoristes, universitaires, journalistes, femmes et hommes politiques, affirmons notre peur et notre colère face à cette course sécuritaire menée par le gouvernement.
Depuis le début de l’affaire, nous dénonçons cette répression politique, les inculpations infondées et le traitement abusif et irrespectueux de la dignité des personnes mises en examen (isolement, fouilles à nue...). Nous dénonçons la terreur mise en place par Gérald Darmanin par l’assimilation des militant-es de gauche à des terroristes, et la criminalisation des personnes engagées pour plus de justice, de solidarité et d’écologie...

La DGSI avait mis sous surveillance Florian D. et plusieurs de ces ami·es du fait qu’il a combattu Daech aux côtés des kurdes et de la coalition internationale à Raqqa, et qu’il avait des idées de gauche. Et c’est en plein examen de la loi « sécurité globale », et alors que la prise de conscience de l’ampleur des violences policières ne cessait de progresser, que le ministre de l’intérieur a fait arrêter ces personnes en les désignant comme étant « des activistes d’ultra-gauche » afin de nous diviser et d’empêcher nos solidarités de s’exprimer.
Le réquisitoire du PNAT (parquet national anti-terroriste) affirme que ces personnes voulaient « s’en prendre à l’oppression et au capitalisme ». C’est aussi ce que nous souhaitons. Car ce sont nos idées politiques que le PNAT cherche ainsi à qualifier de terrorisme dans ce procès. Et cela ne signifie pas que nous envisageons de tuer pour cela. Le capitalisme et les oppressions systémiques sont des systèmes, qu’aucun crime ne ferait effondrer.

S’il est reproché à un prévenu qui est artificier d’avoir fabriqué des pétards dans un champ avec ses copains, ou à d’autres qui pratiquent le tir sportif d’avoir des carabines, les éléments matériels sont ridicules. À la fin de l’enquête préliminaire, et alors que « tout ce qui leur est reproché a déjà eu lieu » pour reprendre l’article de Politis, la DGSI elle-même écrit qu’« aucun projet d’action violente ne semblait défini et la constitution d’un groupe dédié à la mise en place d’une action de guérilla ne transparaît pas ».

Ce sont donc des livres - la DGSI citera jusqu’à un livre d’Auguste Blanqui -, des modes de vie, la présence sur des ZAD, la critique des institutions étatiques et des violences policières, leur militantisme écologiste contre le barrage de Sivens, l’utilisation de l’application « Signal » ou encore leur végétarisme qui sont interprétées par la DGSI comme autant de « preuves » des intentions terroristes que les prévenu.es contestent. La cour a affirmé qu’elle ne jugeait pas des idées. Il lui reste à le prouver.

D’autant plus que durant la première semaine de procès, les juges n’ont eu de cesse d’interroger les mis·es en examen sur leurs engagements militants et les éventuelles répressions policières dont ielles auraient pu être témoins. « Les expulsions des ZAD de Notre-Dame-des-Landes et de Sivens ont l’air de vous avoir particulièrement marqué·e. Est-ce que cela a nourri chez vous un ressentiment envers la police ? » a ainsi demandé une juge. Voici comment la justice cherche à criminaliser jusqu’au fait d’avoir été témoin de violences policières. Cela devient un élément à charge qui transformerait ces victimes en potentiel·les agresseur·ses. On se demande si dans leur monde, il est encore tolérable de ressentir de la peur et de la colère.

Ce sont pourtant les discours médiatiques et politiques et la répression qui diffuse la terreur. D’un côté en étouffant tout mouvement contestataire de solidarité, et de l’autre en présentant les militant·es comme une menace et les modes d’action de manifestation et de désobéissance civile comme dangereux et violents.

Mais « Ne nous laissons pas anti-terroriser ! ». Ne laissons pas ce gouvernement toujours plus à droite, autoritaire et violent, criminaliser nos idées, mentir sur la réalité et inventer des faits. Nous ne céderons ni à la peur, ni à notre droit de vivre des vies dignes et sans violence, et nous continuerons de croire, dans chaque aspect de nos vies et de nos luttes, en la liberté, l’amour et la joie.

Nous ne nous laisserons pas réduire au silence ! Nous ne nous laisserons pas terroriser.

***
- Procès ouvert au public, du mardi au vendredi à partir de 13h30, jusqu’au 27 octobre au Tribunal de Paris, porte de Clichy.
Rassemblement Vendredi 27 à 11h devant le tribunal.

Signataires :
Isabelle Stengers, Philosophe, grand prix de philosophie de l’Académie française
Sebastien Mabile, Avocat, Notre Affaire à Tous
Anne Stevignon, Avocate, spécialisée dans les questions d environnement
Julien Noé, Entrepreneur de l’Economie Sociale et Solidaire, fondateur d’Enercoop.
Margot Medkour, Candidate Tête de liste de Nantes en Commun aux municipales 2020
Jean Michel Frodon, Journaliste et professeur à Sciences Po Paris
Aveline Ouidad, Chercheuse en psychiatrie, Praticien hospitalier
Philippe Boursier, Économiste, ex-porte parole des Verts
Léna Balaud, Agronome et Autrice
Jean Rochard, Producteur de musique
Nacira Guénif, Sociologue et Anthropologue à Paris 8, Membre du réseau de recherche TERRA sur les réfugié.e.s et l’asile
Julien Le Guet, Batelier
Jules Falquet, Philosophe et Sociologue
Éric Fassin, Sociologue
Vanessa Codaccioni, Sociologue
Zeno Bernhard, Membre d’ATTAC et étudiant à l’EHESS
Fatou Dieng, Membre du Comité Vérité et Justice pour Lamine Dieng, et du Réseau d’Entraide Vérité et Justice
Maxime Combes, économiste
Manon Boltansky, Agente à la BNF, Membre de la Direction du NPA
Serge Quadruppani, Auteur et traducteur
Martine Auzou, Institutrice retraitée
Arnaud Béal, Psychologue.
Louise Boissel, Psychiatre, chercheuse en thérapie systémique.
Manu Bichindaritz, Enseignant, Membre de la Direction du NPA
Philippe Chailan, Professeur de lettres
Sabine Duguet, Membre du comité 15 juin
Alain Dobigny, Formateur et militant associatif
Awa Gueye, Membre du Collectif Justice et Vérité pour Babacar Gueye, et du Réseau d’Entraide Vérité et Justice
Mačko Dràgàn, Journaliste au mensuel Mouais et anarchiste
Marie Laforgerie, Membre du comité 15 juin
David Dufresne, Écrivain, Journaliste et réalisateur
Anne Marchand, Sociologue
Farid El Yamni, frère de Wissam El Yamni, Membre du Comité Justice et Vérité pour Wissam.
Métie Navajo, Écrivaine, dramaturge
Etienne Gilly, Architecte, co-fondateyr du studio a-
Line Rodien, Éducatrice spécialisée, membre des Madeleines, réseau du théâtre de l’opprimé
Léo Henry, Écrivain
Laure Woestelandt, Psychiatre
Francis Juchereau, Militant-chercheur Limoges
Patrick K. Dewdney, Auteur
Renaud Lefort, Journaliste à France 5
Simon Le Roulley, Sociologue
Gilles Sabatier, Militant pour l’association ATTAC,
Alessandro Stella, Historien, CNRS-EHESS

Collectifs :
Les Mutilé.e.s pour l’exemple ; Le Collectif Bassines Non Merci 79 signe cette tribune ; UL CNT 35 ; Le quartier libre des Lentillères ; association L’Offensive ; CAR38 (groupe local du Réseau d’Autodéfense Juridique Collective) ; Cassis (Collectif d’Autodéfense et de Solidarité en Soutien aux Inculpé.e.s Stéphanois.e.s)

Pour ajouter votre signature : affaire8decembre chez proton.me

P.-S.

Gardes à vues antiterroristes : Comment les biais psychologiques induisent de faux aveux

- Gardes à vues antiterroristes : Comment les biais psychologiques induisent de faux aveux
Un petit groupe de personnes avec des compétences diverses, professionnelles ou pas, autour du traumatisme psychologique et des effets psychologiques de la violence, a été sollicité pour prendre connaissance des témoignages d’interpellations et de gardes à vue de plusieurs des mis·es en cause de l’affaire dite du 8 décembre 2020 (7 personnes accusées d’association de malfaiteurs terroristes d’ultragauche). Au delà des expériences individuelles, ces témoignages laissent apparaître des méthodologies qui nous questionnent fortement sur le crédit qui peut être apporté à des informations obtenues lors de garde à vues longues et éprouvantes dans les locaux de la Direction Générale de la Sécurité Intérieure (DGSI) et de la Sous Direction Anti-Terroriste (SDAT). Voici les analyses qui sous-tendent ces questionnements.
(...)
Au moment de conclure, nous restons préoccupé·es et inquiet·es de ce que donne à voir ces témoignages des méthodes employées au 4e sous-sol de la DGSI et de la SDAT.
Nos analyses ne nous semblent pas d’une grande originalité face aux éléments partagés. Nous comprenons que la rareté des témoignages conduit au peu de littérature sur le sujet. Cependant, les services des renseignements nous paraissent difficilement pouvoir ignorer les importants biais de leur dispositif, et nous n’observons rien dans les témoignages qui semblent mis en place pour réduire ces biais.
Nous nous interrogeons aussi sur la vulnérabilité accrue dans ce dispositif de personnes qui n’arriveraient pas à donner du sens à leur garde à vue, tout particulièrement pour une personne qui ne se reconnaîtrait pas dans les accusations ni les faits reprochés. Pour ces personnes, l’état de sidération peut les entraîner dans une relation aliénante avec l’agent de la DGSI. L’interpellé·e qui n’arrive pas à donner sens par iel-même à sa garde à vue, finit par croire le récit policier pour combler son incompréhension et se sentir réhumaniser. Tandis que l’agent risque ainsi d’obtenir les réponses qu’il lui aura soufflées, consciemment ou non.
Nous en arrivons à nous demander s’il n’est pas intentionnel, dans des dossiers manquants d’éléments incriminants, d’arrêter au travers d’opération « coup de filet » des personnes qui ne pourront pas donner par elles-mêmes du sens à leur garde à vue, dans le but de produire des faux aveux légitimant le récit policier.
En conclusion, nos constats et analyses nous préoccupent sur la confiance donnée aux dispositifs anti-terroristes auxquels les interpellé·es ont été confronté·es, et sur les éventuels contre-pouvoirs en charge d’entraver leurs potentielles dérives.


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