Bâtir l’autonomie, combattre déserter... au lieu de revendiquer et de rester passif

Passer à l’offensive au lieu de subir et de juste se défendre

vendredi 19 mars 2021, par Bâtir d’autres mondes.

Cet article propose une autre voie que la résilience passive aux catastrophes et à l’administration étatico-capitaliste des désastres produits par la civilisation industrielle.
Il s’agit de : se trouver, faire naître des points de maillage, devenir résilient.es, prendre soin de l’avenir, combattre, étendre le réseau, bâtir l’autonomie, destituer l’infrastructure, devenir ingouvernables...

- Habiter - Instructions pour l’autonomie - Ce texte, écrit par des camarades américain.es fut traduit entre le début du Saint-Laurent, la fin des Appalaches et le delta du Mississipi. Distribué déjà aussi au Mexique et en France, nous espérons que sa version québécoise contribuera à ouvrir ici de nouveaux horizons révolutionnaires. -
DEUX VOIES SE DESSINENT, LA FIN DU MONDE OU LEBUT D’UN AUTRE, IL FAUT CHOISIR

Bâtir l’autonomie, combattre déserter... au lieu de revendiquer et de rester passif
Vivre, répandre l’autonomie partout, habiter le monde, combattre : c’est maintenant

- Cet autre article peut être utilement mis en parallèle : Rattachements - Pour une écologie de la présence
Nos amies de Contrepoints, depuis le Québec, nous ont transmis cet essai sur ce qu’elles appellent une « écologie de la présence ». L’enjeu est de renvoyer dos à dos une écologie individuelle (celle des petits gestes du quotidien ou celle du sacrifice activiste) et une écologie gouvernementale (celle des quotas, de la transition écologique et des taxes carbones) pour établir une autre voie. L’idée consiste à ne pas partir du problème de « l’urgence climatique » afin de ne pas tomber dans les éternelles « solutions » dont on s’aperçoit toujours en fin de comtpe qu’elles font partie du problème. Et d’assumer alors un risque : « nous préférons l’éventualité d’une crise climatique bien sentie, qui déborde les dispositifs d’État et qui impose une reconfiguration de la vie, la création de lien, la remise en question de nos manières de faire, à celle d’une extinc­tion de masse si bien gérée qu’elle passe inaperçue. À devoir choisir, nous préfé­rons la ruine de la métropole globale à la résilience poten­tielle de son virage vert. »

- Extraits de Habiter - Instructions pour l’autonomie :

VOIE A

Tu vois Silicon Valley tout remplacer par des robots. De nouveaux fondamentalismes morbides font passer ISIS pour des enfants de chœur. Le gouvernement lance une application qui permet de traquer en direct les migrants et les dissidents grâce à la géolocalisation, tandis que des métafascistes sociofinancent les prochains camps de concentration. Les derniers vestiges de l’État-providence s’effondrent. Les politiciens font passer des lois de plus en plus cruelles et la gauche continue d’aboyer en s’assurant bien de ne jamais mordre.

Pendant ce temps, les glaciers se liquéfient, les feux de forêt font rage, l’ouragan je-sais-plus-qui engloutit une nouvelle ville. Des maladies que l’on croyait disparues refont surface avec la fonte du pergélisol. Les riches tirent profit des ruines et ne nous laissent que le travail interminable. Et pour terminer, nous crevons, bien conscients de n’avoir rien fait. La vie disparaît, et la Terre n’est plus qu’une immense fosse commune.

VOIE B

Une multitude de gens, de lieux et d’infrastructures posent les fondations de vastes territoires autonomes. De tout pour tout le monde. Les terres sont rendues à l’usage commun et aux autochtones, en premier lieu. On fait sortir la technologie de sa petite bulle ; elle redevient utile comme outil, comme arme. Des chaînes d’approvisionnement autonomes brisent l’emprise de l’économie. Dans leur maillage, des réseaux décentralisés assurent la connexion entre ceux et celles qui sentent qu’une vie différente doit être construite.

À mesure que les gouvernements perdent du terrain, les territoires autonomes fleurissent, portés par l’idée que, pour être libre, il faut se lier à la terre et à la vie qu’elle abrite. Les enclaves techno-féodales sont pillées pour leurs ressources. Nous acculons les forces en déroute de la contre-révolution à cette seule alternative : l’enfer ou l’utopie ?

Qu’ils choisissent l’un ou l’autre nous est égal.

Finalement, nous arrivons au point de non-retour – nous sentons le poids de la liberté, l’étreinte de la vie en commun, quelque chose de miraculeux et d’inconnu. Nous nous sentons habité·es par la certitude de vivre enfin.

La pauvreté, la dépendance, le désespoir nous ont volé famille et ami·es. Nous sommes devenu·es les spectateurs impuissant·es de flics qui assassinent à l’aise, démuni·es quant aux moyens d’exprimer notre rage. Et, avec toute cette merde, nous sommes toujours debout. Nous sentons que notre présent nous a été soutiré et nous imaginons trop bien l’avenir qu’on nous programme. Personne ne viendra nous sauver. Il faut préparer le terrain pour qu’au lieu, il y ait la révolution.

Il y a moyen de créer une rupture qui soit irréversible.

Bâtir l’autonomie, combattre déserter... au lieu de revendiquer et de rester passif
Se trouver, faire naître des points de maillage, devenir résilient.es, prendre soin de l’avenir, combattre, étendre le réseau, bâtir l’autonomie, destituer l’infrastructure, devenir ingouvernables

Si le potentiel de notre époque nous révèle une chose, c’est bien que nous pouvons sortir de la simple survie. Le travail dont on engraisse nos boss – notre énergie, notre créativité, notre intelligence – nous pourrions aussi bien le retourner contre eux, comme un gun que l’on braque. La possibilité d’endurer le travail se trouve dans notre capacité de faire-grève et dans la beauté dégagée par cette communauté de puissance. Notre grève sera la reconfiguration immédiate de nos vies, dans le mépris le plus joyeux des riches, des patrons, et des robots programmés pour nous remplacer. Nous avons en commun le savoir-faire et le désir de refaire nos vies sur des bases qui nous sont propres – il n’en tient qu’à nous de construire ces mondes et de les habiter.

Un ouragan dévaste la ville – la panne est généralisée. Les agences gouvernementales traînent de la patte. Des camarades ouvrent un lieu de convergence en bordure de la zone inondée. Beaucoup d’entre eux et elles se sont fait la main lors de grands soupers collectifs et se sentent capables d’opérer à plus grande échelle. On organise des menées pour se procurer des vivres dans un environnement hostile, où il faut savoir se défendre contre les flics bénévoles d’un ordre qui n’a plus cours. Une équipée fera le tour des hôpitaux et des pharmacies histoire de récupérer du matériel médical, tandis qu’une autre se chWargera d’aller siphonner de l’eau potable dans les réservoirs d’immeubles désertés. L’occupation d’un parc à proximité amène plus de gens et de ressources. Quelqu’un escalade une antenne afin d’y pirater un routeur. On réussit à se connecter à un réseau ad hoc. La communication est établie avec d’autres points de maillage – des camarades viendront prêter main forte.

« Travaille, consomme et ferme ta gueule » – ce serait la devise de nos sociétés, si seulement l’honnêteté ne faisait pas totalement défaut à ses dirigeant·es. Par défaut, nous vivons au crochet des compagnies. Celles qui émettent nos chèques de paye, celles qui nous revendent la base même de notre survie. Par défaut, nous sommes pris·es à la gorge. Le problème que pose l’organisation matérielle des sociétés actuelles est rendu impossible à ignorer.

Élargir notre sphère d’autonomie à coup d’initiatives. Construire l’infrastructure qu’il faut pour soustraire le territoire à l’Économie. Apporter réponse aux questions de puissance matérielle collective : comment nous nourrir, nous loger, nous guérir. Faire usage des technologies de l’information – du data, du design – sans se faire avaler par l’illusion qu’Internet va nous sauver. Former des collectifs et des coop qui concrétisent des objectifs stratégiques tout en refusant de souscrire aux mirages de l’économie hipster et branchée. Développer des solutions durables et modulables aux besoins logistiques : énergie, communication, distribution.

Nous n’avons pas besoin d’une énième organisation pour discuter à l’infini de nos problèmes, mais de moyens concrets et collectifs de les surmonter. Il nous faut un réseau où les projets entrent en résonance et s’amplifient les uns les autres ; un réseau qui déploie les destins et relie les territoires.

Tisser des connexions, à grande échelle. Repérer les gens qui s’organisent sur des bases compatibles aux nôtres. Partir à la rencontre des intensités politiques naissantes ; se tenir au courant des projets de vie en commun. Sonder le terrain ; le cartographier, continuellement. Établir le contact et rendre visite. Pratiquer l’art de l’accueil aussi bien que celui du voyage. Façonner la mémoire et l’intelligence collectives par le partage des histoires, des stratégies. Tisser des liens qui soient aussi matériels par le troc d’outils, de ressources. Reprendre en chœur tous ces gestes et les propager par milliers.

L’idée, ce n’est pas d’améliorer les conditions de vie d’une petite clique. Nous parlons d’un exode de masse hors de ce monde. Cela exige de faire l’inventaire de l’infrastructure qui soutient le système et de décider, s’il y a lieu, de l’usage qu’on en fera. C’est-à-dire que certains systèmes devront être démantelés – les oléoducs et les centrales nucléaires, par exemple – tandis que d’autres pourront être reconvertis aux usages de l’autonomie.

Pirater le monde entier. Que ce soit en inventant des structures pour répondre à des problèmes que le système fait proliférer, ou que ce soit en détournant radicalement des structures déjà instituées. Occuper des espaces en décrépitude – les conseils municipaux, les écoles, les centres commerciaux – et leur insuffler des usages nouveaux. Anticiper les ruptures stratégiques ; les intensifier. S’approprier les systèmes de communication. Réquisitionner les canaux d’approvisionnement. Prendre le pouvoir sans gouverner.

La révolution, c’est une ligne tracée dans le présent. Ça veut dire : bâtir l’autonomie ici et maintenant. Rendre superflus le gouvernement et son Économie. Mais s’émanciper de notre condition de gouverné·es exige bien plus que de déjouer nos ennemis politiques. Et bien plus encore qu’une série de luttes victorieuses. Ça dépend de notre capacité à poser les bases durables d’une vie en commun.

Répandre la rupture à tous les aspects de la vie. Entrer en grève permanente – lentement mais sûrement. Amener nos ami·es avec nous. Refuser d’être géré·es ou de gérer qui que ce soit à son tour. Propager la brèche jusqu’au cœur de la société. Rompre définitivement avec le cynisme et le ressentiment. Se rappeler que tout est encore possible.

L’urgence pour laquelle nous nous préparons n’est pas à venir.

Nous sommes déjà là. Avec tous les petits détails dystopiques et tous les moyens de faire la révolution. Là, notre époque défigurée ; maintenant, la beauté de la libération qui, de toute part, doit en naître. Nous résistons à la fin du monde en faisant se multiplier les mondes. Nous devenons ingouvernables : nous nous dérobons à leurs lois absurdes, à leurs infrastructures périmées, à leur impardonnable Économie et à leur culture écrasante pour l’esprit.

Nous nous battons pour notre idée du bonheur – que la vie dépend de nos capacités matérielles, de notre refus de nous faire gérer. Qu’elle réside dans notre aptitude à habiter la Terre, dans le soin que nous nous donnons les uns les autres. Et dans la rencontre avec les formes de vie partageant ces vérités éthiques.

On nous dit d’attendre quand nos vies défilent devant nous, n’atteignant que la surface de ce que nous pourrions devenir.

On nous dit de rester pacifique au milieu d’une guerre déclarée à l’encontre de la Terre, de nos corps – à l’encontre de la possibilité même du bonheur.

On nous dit que la révolution n’est plus à l’ordre du jour quand elle est devenue une question de vie ou de mort.


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