Basculement de la démocratie libérale vers le néo-fascisme ni de droite ni de gauche

Le fascisme prospère sur les décombres des conquis sociaux et la victoire de l’ultracapitalisme - Quel antifascisme ? Quelles résistances ?

dimanche 11 octobre 2020, par Auteurs divers.

Une analyse éclairante, lucide et pertinente, à partager absolument dans toutes les chaumières :

- Fascisme. Fascisation. Antifascisme. par Ugo Palheta
Partout dans le monde, des États-Unis au Brésil en passant par l’Inde, l’Italie ou la Hongrie, la question du fascisme est revenue au premier plan. Non pas simplement en raison de la progression – ou des victoires électorales – d’organisations d’extrême droite, mais aussi du fait d’indéniables poussées autoritaires et d’une accélération des politiques de destruction des droits des travailleurs·ses, couplées à la montée des nationalismes identitaires et à des processus de radicalisation/légitimation du racisme.

Cette dynamique est particulièrement visible en France depuis quelques années : qu’on pense au durcissement de la répression policière et judiciaire (contre les migrant·e·s, les quartiers d’immigration et les mobilisations sociales), au caractère systématique (et systématiquement impuni) des violences policières et à l’impossibilité même pour le pouvoir de reconnaître leur existence, ou encore à la banalisation médiatique et politique de l’islamophobie, jusqu’au plus haut sommet de l’État comme on l’observe avec l’actuel pseudo-débat sur le « séparatisme ».

Auteur de La Possibilité du fascisme (La Découverte, 2018), Ugo Palheta propose dans cet article des éléments de réflexion sur le fascisme (d’hier et d’aujourd’hui), sur les processus de fascisation et sur l’antifascisme nécessaire, en espérant que cela puisse contribuer à une compréhension commune des batailles présentes et à venir.

- voir aussi (et les liens indiqués) :
Les idées d’extrême droite s’épanouissent au gouvernement avec Darmanin et Macron - D’autres voies collectives vont-elles naître ?

Le fascisme se veut ni de droite ni de gauche - Basculement de la démocratie libérale au néo-fascisme
Fascisation en cours de la France sous régime macroniste

- Extraits très éclairants de cet article essentiel de Ugo Palheta :

Dans le cas du fascisme de notre temps (néofascisme), il est évident que ce sont les effets cumulés des politiques menées depuis les années 1980 dans le cadre du « néolibéralisme », cette réponse des bourgeoisies occidentales à la poussée révolutionnaire des années 1968, qui ont abouti partout – à des rythmes inégaux selon les pays – à des formes plus ou moins aiguës de crise politique (taux d’abstention croissants, effritement progressif ou effondrement brutal des partis de pouvoir, etc.), créant les conditions d’une dynamique fasciste.

En lançant une offensive contre le mouvement ouvrier organisé, en brisant méthodiquement tous les fondements du « compromis social » d’après-guerre, qui dépendait d’un certain rapport entre les classes (une bourgeoisie relativement affaiblie et une classe ouvrière organisée et mobilisée), la classe dominante s’est rendue progressivement incapable de bâtir un bloc social composite et hégémonique. À cela doit être ajouté la très forte instabilité de l’économie mondiale et les difficultés rencontrées par les économies nationales, qui affaiblissent profondément et durablement le crédit que les populations peuvent accorder aux classes dirigeantes et leur confiance dans le système économique.

Basculement de la démocratie libérale vers le néo-fascisme ni de droite ni de gauche
Les nuages noirs de la fascisation s’accumulent en France

Contrairement à une idée reçue (dans une partie de la gauche), le fascisme n’est pas une simple réponse désespérée de la bourgeoisie à une menace révolutionnaire imminente mais l’expression d’une crise de l’alternative à l’ordre existant et d’une mise en échec des forces contre-hégémoniques. S’il est vrai que les fascistes mobilisent la peur (réelle ou non) de la gauche et des mouvements sociaux, c’est bien l’incapacité de la classe exploitée (prolétariat) et des groupes opprimés à se constituer en sujet politique révolutionnaire, et à engager une expérience de transformation sociale (même limitée), qui permet à l’extrême droite d’apparaître comme une alternative politique et de gagner l’adhésion de groupes sociaux très divers.

Dans la situation présente, comme durant l’entre-deux-guerres, affronter le danger fasciste suppose non seulement de mener des luttes défensives contre le durcissement autoritaire, les politiques anti-migratoires, le développement des idées racistes, etc., mais aussi (et plus profondément) que les subalternes – exploité·es et opprimé·es – parviennent à s’unifier politiquement autour d’un projet de rupture avec l’ordre social et à se saisir de l’opportunité que constitue la crise d’hégémonie.

La banqueroute de la droite et les trahisons de la gauche donnent du crédit à l’idéal fasciste d’une dissolution des clivages politiques et des antagonismes sociaux dans une « Nation » enfin « régénérée » parce qu’unifiée politiquement (en réalité mise sous la coupe des fascistes), unanime idéologiquement (c’est-à-dire privée de tout moyen d’exprimer publiquement une quelconque forme de contestation) et « purifiée » ethno-racialement (autrement dit débarrassée des groupes considérés comme intrinsèquement « allogènes » et « inassimilables », « inférieurs » mais « dangereux »).

En faisant de la « Nation » la solution face à des méfaits – crise économique, chômage, « insécurité », etc. – invariablement attribués à ce qui lui est réputé étranger (en particulier tout ce qui touche – de près ou de très loin – à l’immigration), le fascisme prétend s’ériger en force « anti-système » et constituer une « troisième voie » : ni droite ni gauche, ni capitalisme ni socialisme. La banqueroute de la droite et les trahisons de la gauche donnent du crédit à l’idéal fasciste d’une dissolution des clivages politiques et des antagonismes sociaux dans une « Nation » enfin « régénérée » parce qu’unifiée politiquement (en réalité mise sous la coupe des fascistes), unanime idéologiquement (c’est-à-dire privée de tout moyen d’exprimer publiquement une quelconque forme de contestation) et « purifiée » ethno-racialement (autrement dit débarrassée des groupes considérés comme intrinsèquement « allogènes » et « inassimilables », « inférieurs » mais « dangereux »).

Reste que, dans un second temps, passé ce qu’on pourrait nommer son moment « plébéien » ou « anti-bourgeois » (caractère auquel le fascisme ne renonce jamais totalement, au moins en discours, ce qui fait l’une de ses spécificités), les dirigeants fascistes aspirent à nouer une alliance avec des représentants de la bourgeoisie – généralement par la médiation de partis ou de dirigeants politiques bourgeois – pour sceller leur accès au pouvoir, utiliser l’État à leur profit (pour des buts politiques mais aussi à des fins d’enrichissement personnel, comme l’ont montré toutes les expériences fascistes et comme l’illustrent régulièrement les condamnations judiciaires de représentants d’extrême droite pour détournement de fonds publics), tout en promettant au capital l’anéantissement de toute opposition. Des prétentions initiales à une « troisième voie » ne reste rien, le fascisme ne proposant pas autre chose que de faire fonctionner le capitalisme sous le régime de la tyrannie.

Basculement de la démocratie libérale vers le néo-fascisme ni de droite ni de gauche
Au coeur de la tempête fascisante, où se mélangent droite extrême, macronistes, bloc bourgeois et extrême droite

La crise de l’ordre social se présente aussi comme crise des rapports d’oppression, dimension particulièrement aigüe dans le cas du fascisme contemporain (néofascisme). La perpétuation de la domination blanche et de l’oppression des femmes comme des minorités de genre se trouve en effet déstabilisée voire mise en péril par la montée, à l’échelle mondiale (quoique très inégale selon les pays), des mouvements antiracistes, féministes et LGBTQI. En s’organisant collectivement, en se révoltant respectivement contre l’ordre raciste et hétéro-patriarcal, en parlant d’une voix propre, les non-Blanc·he·s, les femmes et les minorités de genre se constituent toujours davantage en sujets politiques autonomes (ce qui n’empêche nullement les divisions, en particulier si manque une force politique capable d’unifier les groupes subalternes).

Ce processus ne peut manquer, en réaction, de susciter des radicalisations raciste et masculiniste, qui se déploient sous des formes et dans des directions variées mais trouvent leur pleine cohérence politique dans le projet fasciste. Celui-ci articule en effet la représentation délirante d’un retournement en cours ou déjà advenu des rapports de domination (avec ces mythologies variées que constituent la « domination juive », le « grand remplacement », la « colonisation à l’envers », le « racisme anti-blancs », la « féminisation de la société », etc.) à la volonté fanatique des groupes oppresseurs de maintenir, quoi qu’il en coûte, leur domination.

La crise de l’ordre existant n’est pas simplement économique, sociale et politique. Elle se présente également, notamment du fait du basculement climatique en cours, comme crise environnementale.

Le néofascisme apparaît pour le moment divisé par les phénomènes morbides associés au capitalocène. Une grande partie des mouvements, idéologues et dirigeants néofascistes minimisent notamment le réchauffement climatique (voire le nient purement et simplement), plaidant pour une intensification de l’extractivisme (carbo-fascisme). À l’inverse, certains courants que l’on peut qualifier d’éco-fascistes prétendent constituer une réponse à la crise environnementale mais ne font guère que raviver et maquiller en « écologie » les vieilles idéologies réactionnaires de l’ordre naturel, toujours associées aux idées de rôles et de hiérarchies traditionnels (de genre notamment), mais aussi de communautés organiques fermées (au nom de la « pureté de la race » ou au prétexte de l’« incompatibilité des cultures »). De même utilisent-ils bien souvent l’urgence du désastre pour en appeler à des solutions ultra-autoritaires (éco-dictatures) et racistes (leur néo-malthusianisme justifiant presque toujours pour eux une répression accrue des migrant·es et un empêchement quasi-total des migrations).

Plus profondément, le projet fasciste consiste à intensifier ces rapports (d’oppression) de manière à produire un corps social extrêmement hiérarchisé (du point de vue de la classe et du genre), normalisé (du point de vue des sexualités et des identités de genre) et homogénéisé (du point de vue ethno-racial). L’enfermement et le crime de masse (génocide) n’est donc nullement une conséquence fortuite mais une potentialité inhérente au fascisme.

Pour autant, le fascisme se situe dans un rapport ambivalent vis-à-vis des mouvements sociaux. Dans la mesure où son succès dépend de sa capacité à apparaître comme une force « anti-système », il ne peut se contenter d’une opposition frontale aux mouvements de contestation et aux gauches. Ainsi les fascismes – « classiques » ou actuels – ne cessent-t-il d’emprunter une partie de leur rhétorique à ces mouvements pour façonner une synthèse politique et culturelle puissante.

Les régimes libéral et fasciste ne s’opposent pas comme s’opposeraient la démocratie et la domination. Dans les deux cas est obtenue la soumission des prolétaires, des femmes et des minorités ; dans les deux cas se déploient et se perpétuent des rapports imbriqués d’exploitation et de domination, et toute une série de violences associées inévitablement et structurellement à ces rapports ; dans les deux cas se maintient la dictature du capital sur l’ensemble de la société. Il s’agit en réalité de deux formes distinctes prises par la domination politique bourgeoise, autrement dit de deux méthodes différentes à travers lesquelles on parvient à soumettre les groupes subalternes et à les empêcher d’engager une action de transformation révolutionnaire.

Le passage aux méthodes fascistes est toujours précédé par un ensemble de renoncements, par la classe dominante elle-même, à certaines dimensions fondamentales de la démocratie libérale. Les arènes parlementaires sont de plus en plus marginalisées et contournées, à mesure que le pouvoir législatif est accaparé par l’exécutif et que les méthodes de gouvernement deviennent de plus en plus autoritaires (décrets-lois, ordonnances, etc.). Mais cette phase de transition entre démocratie libérale et fascisme passe surtout par la limitation croissante des libertés d’organisation, de réunion et d’expression, ou encore du droit de grève.

C’est sans grande proclamation que s’opère le durcissement autoritaire, qui fait reposer de plus en plus le pouvoir politique sur le soutien et la loyauté des appareils répressifs d’État, l’entraînant dans une spirale anti-démocratique : quadrillage sécuritaire de plus en plus serré des quartiers populaires et d’immigration ; manifestations interdites, empêchées ou durement réprimées ; arrestations préventives et arbitraires ; jugements expéditifs de manifestant·es et usage croissant des peines de prison ; licenciements de plus en plus fréquents de grévistes ; réduction du périmètre et des possibilités de l’action syndicale, etc.

Le fascisme procède spécifiquement par l’écrasement de toute forme de contestation, que celle-ci soit révolutionnaire ou réformiste, radicale ou modérée, globale ou partielle. Partout où le fascisme devient pratique de pouvoir, c’est-à-dire régime politique, il ne reste plus rien ou presque au bout de quelques années, et parfois de quelques mois, de la gauche politique, du mouvement syndical ou encore des formes d’organisation des minorités, c’est-à-dire de toute forme stable, durable et cristallisée de résistance.

Là où le régime libéral tend à tromper les subalternes en cooptant une partie de ses représentants, en incorporant certaines de leurs organisations dans le cadre de coalitions (en tant que partenaire mineur, n’ayant pas voix au chapitre) ou de négociations (prétendu « dialogue social » dans lequel les syndicats ou associations jouent le rôle de faire-valoir), voire en intégrant certaines de leurs revendications, le fascisme aspire à détruire toute forme d’organisation inassimilable dans l’État fasciste et à déraciner jusqu’à l’aspiration même à s’organiser collectivement hors des cadres organisationnels fascistes ou fascisés. Le fascisme se présente en ce sens comme la forme politique que prend la destruction presque complète de la capacité d’auto-défense des subalternes – ou sa réduction à des formes de résistance moléculaires, passives ou bien clandestines.

Il faut noter toutefois que, dans cette œuvre de destruction, le fascisme ne peut s’assurer la passivité d’une grande partie du corps social par des moyens uniquement répressifs ou par des discours ciblant tel ou tel bouc-émissaire : il ne parvient à stabiliser sa domination qu’en satisfaisant réellement les intérêts matériels immédiats de certains groupes (travailleurs privés d’emploi, petits indépendants appauvris, fonctionnaires, etc.), du moins ceux qui, au sein de ces groupes, sont reconnus par les fascistes comme de « vrais nationaux ». (...)

Si le fascisme fait donc effectivement appel aux masses, ce n’est donc nullement pour stimuler leur action autonome à partir d’intérêts spécifiques (politique de classe), en favorisant par exemple des formes de démocratie directe où l’on discuterait et agirait collectivement, mais afin d’appuyer les chefs fascistes et de leur donner un argument de poids dans les négociations avec la bourgeoisie pour l’accès au pouvoir. La participation populaire aux mouvements fascistes – et encore davantage aux régimes – est pour l’essentiel commandée d’en haut, dans ses objectifs comme dans ses formes, et elle suppose la déférence la plus absolue à l’égard de ceux qui seraient voués par nature à commander.

Le fascisme constitue une contre-révolution « posthume et préventive »[6]. Posthume dans la mesure où il se nourrit de l’échec de la gauche politique et des mouvements sociaux à se hisser à la hauteur de la situation historique, à se constituer en solution à la crise politique et à engager une expérience de transformation révolutionnaire. Préventive parce qu’il vise à détruire par avance tout ce qui pourrait nourrir et préparer une expérience révolutionnaire à venir : organisations explicitement révolutionnaires mais aussi résistances syndicales, mouvements antiraciste, féministe et LGBTQI, lieux de vie autogérés, journalisme indépendant, etc., autant dire la moindre forme de contestation de l’ordre des choses.

Dimension la plus visible du fascisme classique, les milices extra-étatiques sont en réalité un élément subordonné à la stratégie des directions fascistes, qui en usent tactiquement en fonction des exigences imposées par le développement de leurs organisations et la conquête légale du pouvoir politique (qui suppose dès l’entre-deux-guerres, et encore davantage aujourd’hui, d’apparaître un tant soit peu respectable, donc de mettre à distance les formes les plus visibles de violence). La force des mouvements fascistes ou néofascistes se mesure alors à leur capacité à manier – selon la conjoncture historique – tactique légale et tactique violente, « guerre de position » et « guerre de mouvement » (pour reprendre les catégories de Gramsci).

La victoire du fascisme est le produit conjoint d’une radicalisation de pans entiers de la classe dominante, par peur que la situation politique leur échappe, et d’un enracinement social du mouvement, des idées et des affects fascistes. Contrairement à une représentation commune, bien faite pour absoudre les classes dominantes et les démocraties libérales de leurs responsabilités dans l’ascension des fascistes vers le pouvoir, les mouvements fascistes ne conquièrent pas le pouvoir politique comme une force armée s’empare d’une citadelle, par une action purement extérieure de prise (un assaut militaire). S’ils parviennent généralement à obtenir le pouvoir par voie légale, ce qui ne veut pas dire sans effusion de sang, c’est que cette conquête est préparée par toute une période historique que l’on peut désigner par l’expression de fascisation.

C’est seulement au terme de ce processus de fascisation que le fascisme peut apparaître – évidemment aujourd’hui sans dire son nom, et en maquillant son projet, étant donné l’opprobre universelle qui entoure les mots « fascisme » et « fasciste » depuis 1945 – à la fois comme une alternative (fausse) pour des secteurs divers de la population et comme une solution (réelle) pour une classe dominante politiquement aux abois. C’est alors que, de mouvement essentiellement petit-bourgeois, il peut devenir un véritable mouvement de masse, interclassiste, même si son cœur sociologique, qui lui fournit ses cadres, demeure la petite bourgeoisie : petits indépendants, professions libérales, cadres moyens.

La fascisation s’exprime de multiples manières, à travers une grande variété de « symptômes morbides » (pour reprendre là encore l’expression de Gramsci), mais deux vecteurs principaux peuvent néanmoins être soulignés : le durcissement autoritaire de l’État et la montée du racisme.

Si le premier a évidemment pour principal terrain d’expression les appareils répressifs d’État (avec cet acteur spécifique de la fascisation que constituent les syndicats policiers), il ne faut pas oublier la responsabilité première des dirigeants politiques, dans le cas français de Sarkozy et Hortefeux à Macron et Castaner en passant par Hollande et Valls. Et si les violences policières s’inscrivent dans l’histoire longue de l’État et de la police, c’est bien la crise d’hégémonie, c’est-à-dire l’affaiblissement politique de la bourgeoisie, qui rend celle-ci de plus en plus dépendante de sa police et qui accroît la force, mais aussi l’autonomie, de cette dernière[7] : le ministre de l’Intérieur n’a plus tendanciellement pour fonction de diriger (et de contrôler) la police mais de défendre celle-ci coûte que coûte, d’en accroître les moyens, etc.

La montée du racisme combine également l’histoire longue de l’État français, vieille puissance impériale dans laquelle l’oppression coloniale et raciale a occupé – et ne cesse pas d’occuper – une place centrale, et l’histoire courte du champ politique. Face à la crise d’hégémonie, l’extrême droite et des secteurs de la droite – étant entendu que ces forces politiques représentent des fractions de classe distinctes – ont pour projet de solidifier un bloc blanc, capable de porter une forme de compromis social sur une base ethno-raciale, par une politique d’éviction systématique des non-Blanc·he·s ou autrement dit de préférence raciale. En outre, en faisant sans cesse valoir le danger que représenteraient les migrant·es et les musulman·es pour l’ordre public mais aussi pour l’intégrité culturelle de la « Nation », ces forces justifient la licence donnée aux forces de police dans les quartiers d’immigration et contre les migrant·es, l’accroissement de la répression des mouvements sociaux, en un mot l’autoritarisme d’État.

Pour le dire simplement, la fascisation de la police ne s’exprime et ne s’explique pas principalement par la présence de militants fascistes en son sein, ou par le fait que les policiers votent massivement pour l’extrême droite (en France et ailleurs), mais par son renforcement et son autonomisation (notamment des secteurs préposés aux tâches les plus brutales de maintien de l’ordre, dans les quartiers d’immigration, contre les migrant·es et secondairement dans les mobilisations). Autrement dit, la police s’émancipe de plus en plus du pouvoir politique et du droit, c’est-à-dire de toute forme de contrôle externe (sans même parler d’un introuvable contrôle populaire).

La police ne se fascise donc pas dans son fonctionnement parce qu’elle serait progressivement grignotée par les organisations fascistes. Au contraire, c’est parce que tout son fonctionnement se fascise – évidemment à des degrés inégaux selon les secteurs – qu’il est si facile pour l’extrême droite de diffuser ses idées en son sein et de s’implanter. Cela est particulièrement visible à travers le fait que l’on n’a pas assisté ces dernières années à une progression dans la police du syndicat lié directement à l’extrême droite organisée (France Police-Policiers en colère) mais à un double processus : la montée de mobilisations factieuses venant de la base (mais couverte par le sommet, au sens où elles n’ont fait l’objet d’aucune sanctions administratives) ; et la radicalisation droitière des principaux syndicats policiers (Alliance et Unité SGP Police-FO).

Basculement de la démocratie libérale vers le néo-fascisme ni de droite ni de gauche
Un jour, une éclaircie, grâce à l’antifascisme et aux forces émancipatrices anticapitalistes pro-démocratie directe ?

Dans la mesure où il dérive en premier lieu de la crise d’hégémonie et du durcissement des affrontements sociaux, le processus de fascisation s’avère éminemment contradictoire et, par-là, hautement instable. Il ne s’agit en aucune manière d’une voie royale pour le mouvement fasciste.

La classe dominante peut en effet parvenir dans certaines circonstances historiques à faire émerger de nouveaux représentants politiques, à intégrer certaines demandes provenant des subalternes et à bâtir ainsi les conditions d’un nouveau compromis social (qui lui permettent de ne pas avoir à céder le pouvoir politique aux fascistes pour conserver son pouvoir économique)[8] ; il est néanmoins peu probable que les classes dominantes soient amenées, dans le contexte présent, à accepter de nouveaux compromis sociaux sans une séquence de lutte de haute intensité imposant un nouveau rapport de force moins défavorable aux classes populaires.

Si le processus de fascisation n’aboutit pas nécessairement au fascisme, c’est aussi qu’au mouvement fasciste comme aux classes dominantes font face la gauche politique et les mouvements sociaux. Le succès des fascistes dépend en dernier ressort de la capacité – ou au contraire de l’impuissance – des subalternes à investir victorieusement tous les terrains de lutte politique, à se constituer en sujet politique autonome et à imposer une alternative révolutionnaire.

L’affaire est complexe car il ne suffit pas pour l’antifascisme d’affirmer son féminisme ou son antiracisme, de faire la critique du néolibéralisme ou d’appeler à défendre « la laïcité » pour faire apparaître le caractère réactionnaire du néofascisme. Dans la mesure où l’extrême droite a repris à son compte une partie au moins du discours anti-néolibéral, tend de plus en plus à adopter une rhétorique de défense des droits des femmes, use d’un pseudo-antiracisme de défense des « blancs » et s’érige en protecteur de la laïcité, l’antifascisme ne peut se contenter de formules vagues en la matière. Il doit impérativement préciser le contenu politique de son féminisme et de son antiracisme, ou encore expliquer ce qu’il faudrait entendre par « laïcité », sous peine de laisser subsister des angle-morts dans lesquelles ne manquent jamais de s’engouffrer les néofascistes (« fémonationalisme », dénonciation du « racisme anti-blancs » ou falsification/instrumentalisation de la laïcité), mais aussi sous peine de se mettre à la remorque des néolibéraux (qui ont leur propre « féminisme », celui des 1%, et leur « antiracisme moral », généralement sous la forme d’un appel à la tolérance mutuelle). De même doit-il préciser l’horizon politique de son opposition au néolibéralisme ou de sa critique de l’Union européenne, qui ne peut être celui d’un « bon » capitalisme national enfin régulé.

On voit à quel point le défi, pour l’antifascisme, n’est pas simplement de nouer des alliances avec les militant·es d’autres causes, qui laisseraient chaque partenaire inchangé, mais de redéfinir et d’enrichir l’antifascisme à partir des perspectives qui émergent au sein des luttes syndicales, anticapitaliste, antiraciste, féministe ou écologiste, tout en nourrissant ces dernières de perspectives antifascistes. C’est à cette condition que pourra se renouveler et progresser l’antifascisme, non comme un combat sectoriel, une méthode particulière de lutte ou une idéologie abstraite, mais comme sens commun imprégnant et impliquant l’ensemble des mouvements d’émancipation.

- En complément, voir aussi cet article qui élargit et approfondit le propos :
- La civilisation, l’Etat, le libéralisme, le système technicien mènent au fascisme, aux systèmes totalitaires - Avec le macronisme, l’ultracapitalisme triomphant et le régime policier en vigueur, le totalitarisme s’accroît


Forum de l’article

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  • Basculement de la démocratie libérale vers le néo-fascisme ni de droite ni de gauche Le 21 octobre 2020 à 16:53, par Auteur Divers

    🔵 LA FILLE DE BRIGITTE MACRON CRÉE UNE ÉCOLE PRIVÉE À 9500€ L’ANNÉE AVEC UN PROFESSEUR NÉO-NAZI

    « Tiphaine Auzière suit les traces de sa mère, Brigitte Macron » écrit avec gourmandise Le Figaro. La belle-fille du président, qui passe de plus en plus régulièrement dans les médias pour donner son avis sur l’actualité, est présidente d’un établissement privé hors contrat dans le XVIe arrondissement de Paris. Rien d’étonnant : elle fait partie de cette grande bourgeoisie séparatiste qui dynamite l’école publique pour créer, à côté, des établissements haut de gamme réservés aux plus riches. Prix de l’année ? 9 500€. Vers un modèle à l’américaine, avec des établissements publics à l’abandon, et des collèges et lycées privés pour les familles qui ont les moyens.
    Plus troublant, le secrétaire général de ce lycée privé est Christophe Cadet, un individu qui était à la tête d’un autre établissement, l’Institution catholique Saint-Jean de Douai, impliqué dans plusieurs affaires de pédophilie. Cet homme a été licencié de l’établissement en 2011 pour une « gestion financière hasardeuse ».
    Enfin, la belle fille d’Emmanuel Macron recrute Pascal Gauchon pour « donner des cours de géopolitique ». Pascal Gauchon est une figure célèbre du néo-nazisme français. Il fait partie des fondateurs du Parti des forces nouvelles, un groupuscule néofasciste situé à droite du Front National. Il a également milité au sein de l’extrême droite violente, au GUD, et a collaboré avec les néo-fascistes italiens qui pratiquaient le terrorisme à l’époque. Il a aussi écrit dans la « revue d’histoire du fascisme », une revue néo-nazie des années 1970. Enfin, Gauchon travaille aujourd’hui pour une autre école privée : « l’ISSEP », l’école d’extrême droite fondée par Marion Maréchal Le Pen.

    Après les allusions répétées au Pétainisme du président, les mesures autoritaires et racistes du gouvernement, le cercle familial de Macron proche d’un néo-nazi. Le Macro-lepénisme s’installe. Le marigot du pouvoir politique et médiatique est colonisé par l’extrême droite.

    post de Nantes Révoltée
    source : https://etudiant.lefigaro.fr/article/la-fille-de-brigitte-macron-ouvre-un-lycee-prive-a-paris_fb065004-9505-11ea-85b0-cd29af542a7f/

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  • Basculement de la démocratie libérale vers le néo-fascisme ni de droite ni de gauche Le 20 octobre 2020 à 21:10, par Authoor divers

    🔴VOUS REPRENDREZ BIEN UN PEU DE FASCISME ?

    - Attaques contre les réseaux sociaux, expulsions... Engrenage mortifère, la terreur d’État et la terreur religieuse -

    La France s’enferme dans une voie sans issue. Après le crime infâme commis par un individu fanatisé, le pouvoir joue la surenchère autoritaire et raciste. Il oppose à la terreur religieuse la terreur d’Etat, et multiplie les attaques gravissimes contre les libertés. Une vraie stratégie du choc. Une fuite en avant qui ne peut que mener au fascisme. Quelques brèves d’un époque qui s’accélère.

    ➡️ Attaques contre les réseaux sociaux. Un député qui veut « modifier la constitution » pour mieux contrôler les réseaux sociaux. Un poids lourd de la majorité qui pointe la « responsabilité des réseaux sociaux » dans un attentat. Un éditorialiste qui appelle carrément à « profiter » (sic !) de la décapitation d’un enseignant pour imposer la Loi Avia, qui permettrait de censurer les réseaux sociaux à grande échelle et sans aucun contrôle. C’est très clair, le pouvoir veut exploiter la sidération pour mettre un tour de vis sur l’un des derniers espaces de liberté d’expression qui reste. Rappelons pourtant que le tueur a agi à visage découvert en revendiquant son acte sur un compte public et non anonyme. C’est donc une attaque contre les libertés de toutes et tous sans lien réel avec le crime de vendredi qui se profile.

    ➡️ Remise en cause droit d’asile. Le gouvernement a immédiatement annoncé « l’expulsion de 231 étrangers ». Sur quelles bases ? Des expulsions issues de quelle liste ? Probablement les fiches de la police. Mais des milliers de personnes sont fichées S en France pour de simples participations à des manifs. Cette opération est très inquiétante, et préfigure potentiellement d’autres rafles, d’autres opérations ciblées et instantanées. Le gouvernement veut aussi « remettre en cause le droit d’asile », un droit fondamental encadré par le droit international. Cela voudrait dire que la France rejoindrait les pays les plus autoritaires du monde sur le sujet.

    ➡️ « Des opérations de police ont été lancées contre des dizaines d’individus qui n’ont pas de liens avec l’enquête » mais à qui « il faut faire passer un message » annonce Darmanin. Une mesure authentiquement fasciste : on frappe des individus qui n’ont rien fait uniquement pour les intimider, et on le revendique publiquement pour faire peur à d’autres. Pour l’exemple. Cette initiative peut s’appliquer demain à tous les ennemis désignés de l’Etat. Dans la même logique, le gouvernement dissous le CCIF, une association luttant contre l’islamophobie, et Baraka City, une structure musulmane caritative. Pour l’exemple là aussi. Le meilleur moyen de polariser.

    ➡️ Laïcité. Le gouvernement annonce le licenciement du rapporteur de « l’observatoire de la laïcité », une structure pourtant liée au gouvernement. Comme l’observatoire s’était alarmé, entre autres, des attaques contre les musulmans, il n’est plus jugé « crédible ». En France quand les renseignements échouent lamentablement à empêcher un attentat horrible et c’est le rapporteur général de l’observatoire de la laïcité est viré. Dans la même logique, les élèves d’Île de France vont se voir imposer des carnets de caricatures. La laïcité et les caricatures imposées et interprétées par un gouvernement de droite extrême, un retournement historique.

    Le but des djihadistes était de faire peur, de séparer les musulmans de la population, de polariser la situation pour provoquer une guerre de religion. Le gouvernement répond sur toute la ligne à cet objectif, et applique point par point ce qui était recherché, en ajoutant en plus des mesures dictatoriales qui s’appliqueront, demain, à d’autres. Dans cet engrenage macabre, les fascistes veulent la guerre, les islamistes veulent la guerre civile. Le pouvoir aussi. Et nous sommes toutes et tous perdants

    Post de Nantes Révoltées

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  • Basculement de la démocratie libérale vers le néo-fascisme ni de droite ni de gauche Le 13 octobre 2020 à 11:23, par Auteur divers

    Autre exemple de la fascisation du pouvoir et de bourgois :

    🔴TIRER SUR LE PEUPLE : VIEUX FANTASME DES ÉLITES FRANÇAISES

    « En cas d’attaque aussi barbare et violente comme celle de Champigny, il faut que la police puisse tirer. La racaille doit être éradiquée quoi qu’il en coûte ». C’est le message assez clairement fasciste publié par un poids lourd de la vie politique française ce 12 octobre. Eric Ciotti, haut responsable de la droite, appelle la police à tuer après qu’un feu d’artifice ait fait crépiter des étincelles contre les murs de béton d’un commissariat. Et même à « éradiquer », à annihiler physiquement et « quoiqu’il en coûte ». Quel qu’en soit le prix, quels que soient les moyens.
    Cet ensauvagement des élites françaises, qui se traduit par des appels aux meurtres policiers, n’est pas nouveau. Au début du mouvement des Gilets Jaunes, Luc Ferry, « intellectuel » et ancien ministre de l’éducation appelle à tirer à balles réelles sur les manifestations, à déployer l’armée, et à éliminer ces « saloperies » (sic) de manifestants. Bref, à éliminer l’opposition populaire. Peu après des membres du gouvernement expliquent dans la presse qu’ils étaient prêts à « assumer » de « faire des blessés voire pire », notamment de rendre « tétraplégique » un manifestant. Nouvelle menace, nouveau fantasme refoulé d’élimination.
    La même année, une « chroniqueuse » hurle sur le plateau télé d’une chaîne d’extrême droite : « il faut que la police tire à balles réelles » sur les « délinquants de banlieue ».
    Ces pulsions meurtrières exprimées publiquement s’exercent contre les ennemis intérieurs, pauvres, manifestants, habitants des quartiers, immigrés, exclus. Elles dessinent les population que les gens de pouvoir veulent voir disparaître. "Ceux qui ne sont rien".
    Déjà en 1871, lors de la Commune de Paris, l’élite intellectuelle et économique se réjouit du massacre de milliers d’insurgés. Le journal Le Figaro appelle à « purger Paris », et souhaite « en finir avec la vermine démocratique et sociale » qu’il faut « traquer comme des bêtes fauves qui se cachent ». « Sauvé, sauvé ! Paris était au pouvoir des sauvages ! » écrit Léon Daudet. Le grand écrivain Zola : « l’émeute agonise dans un cimetière [le Père Lachaise], et les derniers cadavres n’auront pas un long voyage à faire. Aujourd’hui Paris respire, et notre armée a retrouvé sa gloire militaire […] Le bain de sang que [le peuple de Paris] vient de prendre était peut-être d’une horrible nécessité pour calmer certaines de ses fièvres. » « J’espère que la répression sera telle que rien ne bougera plus. » pour l’auteur Lecontre de L’isle. Jules Verne veut « que le gouvernement républicain mette une énergie terrible dans la répression, comme il en a le droit et le devoir, et la France a cinquante ans de tranquillité devant elle. » La romancière George Sand, enfin, écrit « mon mobilier est sauvé […] les exécutions vont bon train, c’est justice et nécessité ».
    Description du peuple comme « sauvage » et « barbare », haine de la révolte, amour de l’ordre, justification des pires violences d’État : rien n’a changé.
    Via Nantes Révoltée

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