[BROCHURE] Eviter les pièges du libéralisme : repenser le monde en anarchiste
[BROCHURE] Eviter les pièges du libéralisme : repenser le monde en anarchiste
Qu’est-ce qu’on entend par « dérives libérales » ? Mot devenu un peu fourre-tout et utilisé parfois un peu facilement lorsqu’il s’agit de gagner un débat, il nous semblait important de définir ce que sont des « dérives libérales » notamment dans cette période confusionniste où les mots semblent être vidés de leur sens.
A travers cette brochure, nous voulions rappeler comment les idées sociales-démocrates, populistes voire réactionnaires se frayent une place dans les milieux anarchistes et antiautoritaires. Et comment ces idées passent inaperçues tant notre regard est imprégné du libéralisme.
Pour le combattre et repenser le monde en anarchiste, il est important d’en repérer les signes aussi bien dans notre manière de voir le monde que dans nos pratiques.
Ça tombe bien ce guide en 3 points est là pour ça (attention le dernier va vous surprendre !)
Cette brochure a été rédigée au printemps 2025 dans le contexte des débats qui ont suivis les élections législatives de juillet 2024 avec un constat partagé d’un certain confusionnisme de plus en plus étouffant dans les cercles révolutionnaires anti-autoritaires. Pour la rédiger nous nous sommes appuyé sur nos constats, discussions informelles, analyses personnelles mais aussi sur des auteur.ices qui ont pu à un moment donné apporter des points d’éclairage sur certains sujets. Nous ne sommes pas forcément en accord avec tous leurs écrits. Comme toujours, chaque texte nécessite recul et critique.
Avant de commencer...
L’anarchisme effraie autant qu’il fascine. Parce que l’anarchisme a déjà déstabilisé des États, inspiré des assassinats de rois et de chefs militaires, parce que l’anarchisme c’est l’amour de la liberté, le rêve de l’émancipation pour toustes, la fin des guerres et des armées, la fin de l’exploitation de l’Homme par l’Homme, c’est cette figure rebelle qui ne se laisse pas enfermée, encadrée ou contrôlée. Mouvement profondément anti-autoritaire qui veut en finir avec les chef.fes, l’idéal anarchiste est à l’opposé du système dans lequel nous vivons actuellement mais il n’en est pas pour autant hermétique. Influencé par son époque et son environnement, l’anarchisme est traversé par différents courants et par ses propres tensions internes. Cependant, force est de constater que, aujourd’hui en France, l’anarchisme n’a plus le vent en poupe. Dans les années 90 Murray Bookchin, anarchiste américain, mettait en garde :
« les objectifs révolutionnaires et sociaux de l’anarchisme aujourd’hui souffrent d’une telle dégradation que le mot “anarchie” fera bientôt partie intégrante du vocabulaire chic bourgeois du siècle à venir : une chose quelque peu polissonne, rebelle, insouciante, mais délicieusement inoffensive. »
Dans son livre « changer sa vie sans changer le monde » Bookchin critiquait l’avènement d’une forme d’anarchisme folklorisé, vidé de sa substance et de ses objectifs révolutionnaires pour en garder que l’aspect esthétique, spectaculaire et individualiste. En effet, quoi de mieux pour rendre un mouvement inoffensif que de capitaliser sur son esthétique, tout en le vidant de ses prétentions révolutionnaires ?
D’autres que Bookchin ont mis en garde contre des dérives bourgeoises ou contre les oppressions qu’elles reproduisaient en son sein.
L’anarchiste noir américain Lorenzo Kom’boa Ervin mettait aussi le doigt dans les années 70 sur les dérives du milieu anarchiste, qui devenait plus un mouvement contre-culturel composé essentiellement des classes moyennes blanches qu’un mouvement révolutionnaire.
En 1936, les anarcha-féministes de Mujeres Libres combattaient et s’organisait contre les influences et les violences patriarcales dans le mouvement anarchiste.
Et en 1914, Luigi Fabbri, anarchiste italien, dénonçait les influences bourgeoises sur l’anarchisme notamment venant du milieu culturel : « Pour ces artistes et écrivains, la beauté du geste prend la place de l’utilité sociale, à laquelle ils ne se soucient pas. Ainsi, ils ont idéalisé la figure du dynamiteur anarchiste car même dans ses manifestations les plus tragiques, il présente des caractéristiques indéniables d’originalité et d’attractivité. Cette idéalisation littéraire et artistique a exercé son influence sur de nombreux anarchistes qui, par ignorance ou par méconnaissance de la raison et de la logique ou du tempérament, l’ont prise pour une propagation d’idées, même si elle n’est qu’une manifestation artistique. »
La cérémonie d’ouverture des JO 2024, lieu d’étalage capitaliste et nationaliste par excellence, où a été « célébrée » Louise Michel en est un exemple récent.
Des symboles révolutionnaires transformés en esthétique inoffensive par le milieu artistique parisien devant des chefs d’États complice des pires horreurs militaires, voilà comment l’anarchisme est vidé de sa charge politique.
La « start up nation » est un système de pensée, une manière de voir le monde et de créer des liens. Cela influe sur nos luttes, nos espaces collectifs et nos relations. Mais s’il est vrai qu’une grille de lecture bourgeoise détourne l’anarchisme de son but premier, « petit-bourgeois » et « libéral » peut aussi être une insulte facile pour discréditer un discours et gagner le débat. Lénine lui-même parlait de « petit-bourgeois » pour (dis)qualifier les anarchistes. C’est pourquoi il nous semblait important de redéfinir ce que sont ces « dérives libérales » et comment les repérer.
L’intro & la brochure en pdf : https://rebellyon.info/BROCHURE-Eviter-les-pieges-du-liberalisme-29583