Voici un récit subjectif et personnel sur nos ateliers et l’action des forces de police municipale qui les a entravés :
Trois jours avant la fête de la musique, avec quelques ami.e.s on s’est dit : « tiens, et si on faisait une animation sympa ».
Après quelques préparatifs, on s’est installé le 21 juin à partir de 16h30 sur la place Bouchet après avoir charrié tout le matériel.
On a disposé quelques tables, avec quelques tracts (Amnesty, Front social) et des exemplaires de Ricochets.
On avait aussi des ballons à gonfler et des bonbonnes d’eau pour les passants assoiffés.
Derrière les tables, on a installé un coin détente avec des tissus pour les passants qui veulent faire une pause, ou des enfants qui voudraient dessiner.
On avait prévu aussi de faire ensuite dans la soirée des ateliers musicaux libres (musique concrète avec pots, bouteilles, boîte de conserve, improvisations vocales, chansons, poésies...), une sorte de scène ouverte.
On avait aussi lancé quelques questions d’intérêt général pour que les visiteurs puissent noter leurs idées par écrit.
Bref, divers ateliers autour de l’expression.
L’installation était à peu près en place, un musicien a joué un temps de l’orgue de Barbarie, les commerçants du coin étaient contents de voir un peu d’animation dans la rue, les premiers passants s’arrêtaient, une jeune animatrice des fêtes municipales s’est arrêtée un instant en souriant, quatre policiers municipaux sont passés en disant bonjour, bref, tout allait bien.
Un peu plus tard, les 4 policiers municipaux sont revenus, et là ils ont annoncé qu’on n’avait pas demandé d’autorisation d’utilisation de l’espace public (demande à adresser 15 jours avant l’événement), et que de ce fait on devait enlever tout tract et affiches, et même les tables à tapisser. Règlement Règlement !
On était assez surpris, car tout se passait bien et on n’entravait pas la circulation. De plus, l’année dernière, certains d’entre nous avaient tenu des tables similaires (juste à côté de la Caverne) avec Nuit Debout sans être ennuyés, les policiers avaient juste demandé de reculer un peu les tables pour ne pas gêner la circulation.
On a essayé de négocier, l’une d’entre nous qui avait passé du temps et de l’énergie à préparer s’est énervée, mais ils ne voulaient rien savoir : si on n’enlevait pas les tables et documents d’ici une demi heure, c’était 1500 € d’amende avec relevé d’identité.
Là on était un peu interloqué et indécis, on a enlevé tracts et journaux et mis en place le matériel pour l’atelier musical improvisé qui devait suivre.
Le cœur n’y était plus trop, on a tenté quand même quelques chants et percussions.
La bande des quatre municipaux est revenue, et là ils menaçaient à nouveau de constat et d’amende, il fallait enlever les tables sinon...
Dégoûtés, on a du obtempérer.
Ils prétendaient aussi qu’on chantait mal et que des personnes les appelaient pour se plaindre !
Depuis quand la fête de la musique est réservée aux bons chanteurs et musiciens ! Il me semble que c’est une fête d’expression populaire où n’importe qui peut se produire dans la rue !
Le chef de la police a-t-il un brevet de musicalité ? Doit-on passer une audition pour pouvoir se produire à Crest à la fête de la musique ?
A Crest, les musiciens devraient rentrer dans certains canons ?!, définis par qui ? Par les municipaux, le maire, les bourgeois du coin ?
Les municipaux nous ont « généreusement » laissé le droit de poser nos « objets sonores » et partitions par terre - pratique ! - et de garder une petite table pour les verres et bouteilles d’eau.
Avec tout ça, l’heure avançait et on avait perdu la pêche, et on a donc tout démonté.
Quelques réflexions
Du point de vue légal, les policiers étaient sans doute dans le Droit, mais ils n’étaient pas obligés de l’appliquer avec autant de rigueur ! D’autant que l’année dernière ils n’avaient pas fait d’histoires pour un « stand » similaire.
Pourquoi ont-ils été plus raides cette année ?
- En tout cas ils n’ont pas prétexté de l’état d’urgence
- Alors s’agissait-il de nous ennuyer car certains d’entre nous sont identifiés comme des contestataires ? Une sorte de basse « vengeance » ?
- Ont-ils eu des consignes spécifiques de la mairie à notre égard ?
- Comme on était au bord d’une rue passante, peut-être ne voulaient-ils pas de « tâche » dans le paysage ? Pour eux, les événements populaires seraient uniquement destinés à se vider la tête, et pas à développer l’expression participative, encore moins à montrer un journal libre ?!
On peut par ailleurs remarquer que la majorité municipale n’applique pas toujours la loi avec autant de rigueur et de célérité dans d’autres domaines (plomb dans l’eau du robinet, transparence et accès aux documents administratifs, informations au élus d’opposition en temps voulu...). Le souci de faire respecter les lois est donc relatif aux sujets et personnes concernées...!
Sachez que les animateurs de notre « stand » vivent ici, agissent ici, on respire le même air, on ne disparaîtra pas. Il faudra bien que les conservateurs, répressifs et autres censeurs de tout poil s’habituent et acceptent notre existence.
A Crest comme dans de nombreuses villes, les habitants ont l’impression d’être pris pour des demeurés irresponsables. On entend d’un côté qu’il faut plus de citoyenneté, de vivre-ensemble, de vie dans les centre villes, de projets, mais les représentants du Pouvoir infantilisent les gens en les empêchant encore trop souvent de prendre des initiatives spontanées, on laisse se privatiser l’espace public et on le soumet à des réglementations draconiennes où les autorités municipales ont tout pouvoir de « censure » quand elles le désirent.
D’ailleurs, on entend même certains commerçants se plaindre des incohérences de la municipalité de Crest et de son dogmatisme. Par exemple, la mairie a édicté toute une réglementation stricte sur les pots de fleurs qu’elle prête aux commerçants.
A Crest comme dans de nombreuses villes, on ne se préoccupe pas de construire une démocratie réelle, avec des habitants habitués à participer aux prises de décisions et libres de prendre des initiatives.
En France, et tout particulièrement ici avec cette majorité municipale, c’est plutôt le fait du Prince, l’autoritarisme, le paternalisme, le clientélisme, la rigidité, le conservatisme, le copinage, les lobbies, la peur et le mépris des différences et de la libre expression, bref, l’étouffement de la démocratie et des libertés.
A nous tous de faire souffler de l’air frais !
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