Définir collectivement d’autres priorités que la répression et la surveillance, développer la solidarité et le partage.
On parle beaucoup de bavures, de dérives, de violences policières, de mauvais flics, mais moins de la question des « forces de l’ordre » en elles mêmes. Les polices ne sont pas si récentes, elles sont liées au capitalisme et à l’Etat, à la nécessité pour les puissants de défendre l’ordre social injuste en place.
Pourtant, des courants moins réformistes veulent l’abolition de la police au lieu de son illusoire « amélioration éthique », des peuples s’organisent autrement, et des expériences sont menées à petite échelle. Dans la civilisation capitaliste et la gestion étatique il ne peut pas exister de bons flics vu qu’ils servent toujours un système destructeur, dominateur et brutal.
Le fait de mélanger les rôles de gestion de conflits avec la répression ne fait que brouiller les cartes.
Tout se mélange, les arrestations et contrôlent au faciès sous prétexte de soupçons de délinquance sont ils de la répression politique, du racisme ou du maintien du statu quo social ? Un mélange des trois en fait.
- Abolir & dissoudre les systèmes policiers, une nécessité vitale
Se passer de la police n’est pas simple, surtout dans un monde capitaliste où chacun est en guerre contre tous, où on est habitué à laisser tout diriger par des notables et des oligarques, à se réfugier dans son cocon privé.
Construire des structures et modes de vie plus pacifiés et solidaires aiderait grandement. Sans la compétition généralisée, sans la précarité et la guerre pour l’emploi, sans la course au profit et au rêve toxique de monter les barreaux de la pyramide sociale en marchant forcément sur les autres, sans les rapports de dominations divers (patriarcat, colonialisme...) et sans la reproduction des classes sociales (via propriété, fortune, éducation, héritages, alliances croisées...) les rapports entre humains seraient déjà nettement moins problématiques.
Au lieu de fabriquer des clones consommateurs voués à avaler en série des objets, des images, des vitrines, des produits politiciens ou matériels formatés, simplistes et insipides, on pourrait construire des formes d’auto-éducation, d’art, de formations, de pratiques concrètes facilitant l’autonomie, l’esprit critique, la connaissance d’idées diverses.
Tout ceci, et sans doute plein d’autres choses encore, aideraient à l’émergence d’humains libres et responsables qui n’auraient pas besoin de flics partout, qui n’en voudraient surtout pas.
Une attention à la résolution des conflits (comme dans les sociétés matriarcales) et à l’épanouissement complet des personnes limiterait aussi les brutalités inter-individuelles.
Pour le reste, des formes d’autodéfense collective, de veille et de justice locales, contrôlées démocratiquement et directement permettraient de faire face aux problèmes résiduels. Un grand champ de réflexion et d’expérimentation est ouvert.
Pour les conflits politiques (qui seraient moins profonds dans des sociétés libérés de la civilisation capitaliste et d’autres formes de mise en compétition totale des êtres) il y aurait divers lieux et mécanismes démocratiques permettant de concilier les avis divergents. Les décisions et options se prendraient dans l’imperfection et les équilibres précaires, sans écraser les minorités ni laisser tout pouvoir à un président sur son trône qui met tout le monde d’accord par son autoritarisme et la répression policière.
Dans le cadre existant, les brutalités policières ne peuvent pas vraiment s’estomper, elles sont nécessaires à la civilisation capitaliste et à ses Etats pour maintenir leur empire par la force et la terreur.
Dans les systèmes ultra-capitalistes, poussés à l’extrême dans les régimes autoritaires tels que le macronisme, les flics, les prisons et la répression en générale remplacent les restes des imparfaits systèmes de protection sociale, de service public, de biens communs, de redistribution et de « dialogue ».
Le « pater-mater-nalisme » étatiste et patronale est supplanté par la matraque et la surveillance, tandis que les problèmes sociaux structurels du à l’absence de démocratie et au capitalisme sont réduits à des choix et tares individuels, il s’agit de culpabiliser et soumettre davantage les plus pauvres et les inadapté.e.s au lieu d’inviter à des voix d’émancipation et d’autogestion collective.
Les formes d’auto-organisation collective en partie indépendantes de l’Etat et du Capital portée par les gauches (sécurité sociale, assurance chômage, retraites...) sont démolies méthodiquement par les intérêts et lobbies capitalistes. Ces formes « de gauche » sont souvent trop centralisées, bureaucratiques, lourdes, mais au moins elles tentent autre chose que le bête égoïsme individuel érigé en valeur suprême et unique.
Au delà des forces de l’ordre, c’est tout un système policier qui pose problème. On n’est pas seulement fliqué par les milices du Capital en uniforme, nous sommes traqués et enregistrés sur les plateformes internet, dans les grands magasins, dans les systèmes informatiques croisés des administrations étatiques, par des polices privées, via les téléphones et les passes électroniques...
Les injonctions à rester dans le rang se diffusent insidieusement de partout : école, merdias, pub, produits culturels de masse, émissions télé..., directement via des normes de comportements, indirectement via règles et structures sociales qui obligent ou font glisser vers certaines manières d’être utiles au système en place.
Une société génère toujours un auto-contrôle et des normes culturelles entourant les personnes, c’est inhérent à la vie collective, le tout est que ces orientations soient connues, conscientes, décidées et ratifiées par les populations, qu’elles soient de préférence émancipatrices (plutôt que fabriquer des termitières) et laissent de réelles libertés d’agir, de choix et de responsabilité aux gens.
L’abolition de la police est un combat difficile, qui, comme les autres, ne peut pas véritablement aboutir isolément. Tout est lié dans le système en place.
L’abolition du système policier est indissociable du problème de l’Etat, de quelle société on veut, de la démocratie, du capitalisme, des classes sociales...
En attendant, il est sans doute possible de réduire le nombre de flics, leurs armes, leur impunité et leurs prérogatives.
A. - juin 2020
(une version plus courte de cet article a été publiée dans le numéro 14 du journal Ricochets papier)