A la frontière Greco-turque et l’île de Lesbos

mardi 21 avril 2020, par Seb26.

L’île de Lesbos se trouve à la frontière avec la Turquie, séparée par un bras de mer de seulement 7 km et est donc un point de passage privilégié pour les migrants souhaitant rejoindre l’Europe.

En 2016, alors que des centaines de milliers de syriens tentent de rejoindre l’Europe en quête d’asile, l’union européenne décide de fermer ses frontières en signant un accord avec la Turquie. L’état turque s’engage à contenir les flux migratoires sur son territoire en échange de quelques milliards d’euros.

Les iles de la mer Égée sont alors fermées et utilisées comme centres de détention pour les migrants qui, malgré tout, parviennent à traverser.

Depuis lors, les arrivées par la mer sur Lesbos sont bien moins fréquentes, avec malgré tout de pics de quelques centaines de personnes par jour.

Les nouveaux arrivants sont détenus dans des HotSpots, dont le fameux camp de Moria à Lesbos, où ils attendent d’être enregistrés et transférés vers le continent. L’Europe utilise ces îles pour contenir cette population et déporter ceux qu’elle peut. Les leaders européens les plus cyniques se vantent également d’envoyer un signal fort aux migrants de Turquie au travers de cette forteresse de détresse et d’humiliation.

L’île héberge ainsi en permanence environ 10 000 réfugiés dans des conditions inacceptables depuis 2016. Lorsque enfin ces personnes se voient accorder le droit de circuler librement en Grèce, ils doivent attendre encore plusieurs mois pour se voir proposer des logements hors de Lesbos.


En Juillet 2019, le parti de droite Nea Dimokratia prend le pouvoir en Grèce, et remet en cause la plupart des droits des réfugiés, notamment pour leur accès aux services de santé et de protection, à l’éducation, et ralentit également les transferts des îles de la mer Égée vers le continent.

En résulte une explosion du nombre de réfugiés piégés sur les îles. A Lesbos seulement, où le HotSpot de Moria était prévu pour accueillir un peu plus de 3000 personnes, ils sont 21 000 au début de l’année 2020.

Plutôt que de redoubler d’efforts pour décongestionner les îles, le gouvernement de Mitsotakis pousse pour construire de nouveaux centres de détention sur les îles, et renforce les critères d’accueil des réfugiés, facilitant leur rejet et leur déportation.

Les autorités et la société civile des îles de la mer Égée rejettent quasi unanimement l’installation de nouveaux centres de détention, et plusieurs grèves générales et manifestations sont organisées vers la fin du mois de janvier.

Au même moment, la population grandissante des réfugiés de l’île s’organise également et organise des marches sur l’île pour demander des conditions d’accueil décentes dans les camps. Ces manifestations sont pacifiques et incluent beaucoup d’enfant. Cependant, dès le 3 février, la police anti émeutes commence à réprimer violemment ces manifestations.

S’en suivent des tires de gaz lacrymogènes, arrestations arbitraires, détentions prolongées, mais aussi des menaces de déportation

(INFO importante, le droit à l’asile est un droit individuel et théoriquement indépendant des autorités locales. La police ne peut pas influer sur le droit d’asile d’une personne. )

Le lendemain, une autre manifestation est organisée où les réfugiés chantent « Lesbos, we are sorry » exprimant la conscience de cette population de perturbée la vie des locaux.

Dans les jours suivant, des habitants de l’île et des groupes fascistes organisent une défense hostile de l’île et bloquent les accès aux camps tout en s’en prenant aux ONGs et bénévoles qu’ils y croisent, alors que le ministre de l’immigration encourage publiquement à la haine et accuse les ONGs de sucer le sang de la Grèce.

Les groupes fascistes en Grèce s’emballent rapidement sur les réseaux sociaux alors que des groupes fascistes s’arment de bâtons et d’essence et continuent à s’en prendre aux réfugiés, journalistes et aux bénévoles internationaux sur l’île.

La fuite de nombreux employés d’ONGs et la fermeture de centres d’accueil et de soin pour les réfugiés a encore détérioré les conditions de vie des dizaines de milliers de personnes détenues sur l’île et vivant déjà depuis de nombreux mois dans des conditions inhumaines.

Au même moment, le gouvernement grec continue d’avancer son projet de construction de nouveaux centres de détention sur les îles, entrainant une nouvelle vague de grèves générales de la part des habitants des îles, qui rejettent le projet.

Ces grèves ramènent une forme de solidarité entre locaux et migrants sur l’île, alors que les blocages s’organisent contre la construction de ces nouveaux camps. De nouveaux affrontements avec la police s’ensuivent.

La résistance s’organise autour des groupes politiques de l’île, avec d’un coté les antifascistes, employés d’ONG et KKE, et de l’autre des groupes nationalistes qui crient « We want our land back ».

Alors que les autorités décident de rappeler une partie des policiers antiémeutes et tentent une médiation avec les autorités locales, de nombreuses attaques sont rapportées sur l’île. Des groupes fascistes armés s’en prennent à tous les étrangers, et instaurent un climat de terreur pour les réfugiés et membres d’ONGS. Les voitures de location ou les véhicules d’ONG sont détruits, de l’essence est répondue sur le pont du Mare Liberum, un bateau allemand présent sur l’île depuis 2018 et qui participe aux opération de sauvetage en mer.

Le discours change sur les réseaux sociaux, alors que les groupes fascistes crient victoire pour chaque nouvelle attaque et déclament « Nous sommes des guerriers Grecs, c’est notre terre et nous y resterons jusqu’à la mort ».

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Pour ajouter à ce contexte, la semaine dernière, Erdogan, le président turque annonce qu’il va ouvrir les vannes pour les réfugiés. Cette annonce fait suite à un différent avec la Syrie. Les armées de Al Assad ont tué 33 militaires turques lors d’un tir de missile. La Turquie utilise alors ouvertement les réfugiés comme moyen de pression sur l’Europe et sur l’OTAN pour empêcher toute intervention de leur part dans ses affaires en Syrie.

(Je passe sur la relation entre la Syrie et la Turquie et Idlib)

Les autorités turques invitent alors ouvertement tous les réfugiés présents sur son sol à quitter la Turquie et à rejoindre l’Europe via la frontière territoriale à Evros et sur les côtes de la mer Égée.

Le nombre d’arrivées sur les côtes de Lesbos reprennent alors de plus belle (avec au moins 1200 personnes arrivées la nuit du 3er mars), alors même que les groupes fascistes de Lesbos empêchent les ONGs de venir en aide aux personnes sur les plages, et que les gardes côtes grecs repoussent des bateaux et ne viennent pas en aide aux personnes en mer.

Les attaques se poursuivent depuis. Un camp de « première réception » à Lesbos est brûlé, alors même qu’il était le seul lieu au nord de l’île pour que les réfugiés aient accès à des vêtements secs et un repas.


De nombreuses ONGs ont cessé leurs opération de peurs d’être ciblées par les groupes violents de l’île.

Dans la nuit du 7 mars, le projet « ONE HAPPY FAMILY », un centre d’accueil de jour, fondé en 2015 et qui offrait quotidiennement des activités et services à plusieurs milliers de personnes est mis à feu.


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