Hier soir, pour le film d’ouverture des Rencontres Ad Hoc, la queue s’étendait très longuement devant l’EDEN. La salle était archi pleine, une affluence des grands jours !
Voici la bande annonce du film « Les pieds sur terre » de Batiste Combret et Bertrand Hagenmüller, un autre regard sur Notre Dame Les Landes.
Des séquences absentes du films sont disponibles en ligne pour ceux qui en voudraient davantage.
Je trouve que le film est une réussite, tant sur le fond que sur la forme.
Chaque personne sort des clichés, évolue, dit des choses profondes, et les images sont magnifiques, avec une belle bande son.
Un film à portée universelle au plus près du réel. Bref, du bonheur cinématographique.
Ca donne envie de continuer à suivre Ad Hoc !
Deux questions néanmoins me titillent !
1. Peut-on se contenter d’être simple spectateur avec un film pareil ?
Bien sûr, le film est beau d’un point de vue esthétique et humain, mais il parle aussi de choses fondamentales.
Alors est-ce pertinent/adapté de se contenter de voir des films pareils comme un spectacle ? Quelques questions-réponses intéressantes à la fin du film ne suffisent pas à mon goût.
Même si bien sûr ça peut faire cogiter chacun individuellement, il faudrait plutôt des discussions approfondies par petits groupes et grands groupes, faire marcher notre intelligence collective.
De nos jours, face aux enjeux énormes de la survie de notre espèce , on ne peut plus juste être spectateurs, consommateurs de films aussi bien soient-ils, c’est donc d’autres types d’événements dont nous avons urgemment besoin (voir par exemple les Rencontres de Curieuses Démocraties le week-end du 15-16-17), il n’y en a pas assez !
Nous devons nous demander comment changer de société, pourquoi si peu de personnes luttent, se préoccupent du bien commun, pourquoi les cohabitations et rencontres ne se font que dans un contexte de lutte.
Ce qui nous amène à mon deuxième point :
2. Pourquoi est-on généralement incapable de grandes, larges et profondes luttes collectives ?
Dans la discussion qui a suivi le film, il est ressorti le caractère exceptionnel du fait que des gens très différents (culture, idées, modes de vie) arrivent à collaborer, à se comprendre, à s’accepter. C’est le cas à Liminbout sur la ZAD, du fait qu’il y avait une « cohabitation » forcée dans le contexte de lutte commune, mais c’est rare.
D’habitude, même dans un petit village, chaque culture et classe sociale ignore à peu près complètement les autres et vie dans son réseau et « son clan ».
Voilà une question primordiale à creuser collectivement, pour trouver peut-être des voies pratiques pour la résoudre.
De nos jours, si on voulait être lucide et pragmatique, il y aurait pourtant de puissantes raisons de luttes collectives d’envergure, partout, et pour tout le monde, qui pourrait regrouper très largement et briser les habitude et carcans.
Car aux luttes « traditionnelles » contre l’Etat non-démocratique (pléonasme) ou l’économie de marché extrémiste, violente et totalitaire (c’est dans sa nature), ou leurs conséquences néfastes innombrables (projets inutiles, pollutions, autoritarisme, inefficacité, dominations, précarité...) s’ajoute à présent une lutte globale qui concerne tout le monde et qui devrait mettre tout le monde « d’accord ». Une lutte qui quelque part inclue/résume toutes les autres luttes, à savoir : changer rapidement et complètement de société pour essayer d’empêcher un emballement mortel du climat qui détruirait l’humanité.
Cette lutte globale et vitale pourrait permettre aux humains de sortir de leurs prismes, de leurs classes sociales et culturelles étanches, et in fine de détruire/réduire ces catégories sociales souvent très superflues (en s’attaquant aussi à ce qui les sous-tend bien sûr !), en remplaçant l’identification exacerbée (pour cause de défaut de réelle vie démocratique, à cause de l’individualisation extrême des intérêts exacerbée par le capitalisme, et souvent de réel épanouissement personnel par des activités adaptées) à des sous-groupes par une vie commune attentive (une société soutenable et solidaire) et une vie personnelle plus libre et plus riche.
Voir des films individuellement c’est bien, s’en servir comme points de départ pour construire des réflexions et actions collectives c’est mieux. Car le réel ne peut toujours pas se changer en contemplant des fictions et des documentaires depuis sa petite bulle personnelle, fussent-ils géniaux.
Malheureusement, ici ou ailleurs, les foules se déplacent plus facilement pour un spectacle, beaucoup moins pour une réflexion collective approfondie, et encore moins pour des actions collectives de transformations sociales globales (économiques, politiques...) et sur la durée.