L’expression métaphorique « Lapin » fait référence au livre de Howard Zinn, au documentaire « Howard Zinn, une histoire populaire américaine (1) », et à la présentation de Daniel Mermet :
Tant que les lapins n’auront pas d’historiens,L’histoire sera racontée par les chasseurs.Les chasseurs racontent des histoires de victoire,Des histoires de guerre.Qu’hélas il faut bien fairePour défendre les faibles et les victimes.Les chasseurs ne font que leur devoir, au nom du peuple,Au nom de la démocratie, au nom de la patrie,Au nom de Dieu, au nom de la civilisation,Contre les rouges, contre les jaunes, contre les bruns.Mais l’histoire que préfèrent raconter les chasseurs,C’est pas d’histoire du tout.A part pour le numéro de leur carte bancaire,Les lapins n’ont pas besoin de mémoire.En écrivant une histoire populaire des Etats-UnisHoward Zinn a pris le parti des lapinsLe parti de ceux qui sont à l’autre bout du fusilLes Indiens devant les conquérantsLes esclaves qui fuient dans les maraisLes ouvrières pâles dans les usines de textileLes déserteurs, les militants, les résistants...Car les lapins ne s’enfuient pas toujoursIl arrive même qu’ils profitent du sommeil des chasseursEt qu’ils leurs volent leurs fusilsEt qu’ils les fassent reculer jusqu’au bord de la falaiseEt même au-delà...
Ce documentaire a été projeté hier mercredi 30 août au café l’Arrêt Public.
Les Lapins, c’est nous, les pauvres, les ouvriers, les précaires, les chômeurs, les étudiants pauvres, ce qu’on a coutume d’appeler « le peuple ».
Les Chasseurs ce sont les dominants, les gros patrons, les dirigeants étatiques, les intellectuels et journalistes vendus aux Chasseurs, ...et leurs médias.
Car il n’y a pas que l’histoire qui est racontée essentiellement du point de vue des Chasseurs, il y a aussi l’actualité et la diffusion des idées.
Les médias de masse (et la publicité, deux faces de la même médaille) sont tous au service du capitalisme et/ou de l’Etat et de leurs intérêts, et diffusent 24/24 leurs idéologies et une actualité triée et corrigée par eux et pour eux.
Les médias de masse sont les médias des Chasseurs, les Lapins y ont rarement accès, et quand c’est le cas leur parole est choisie/tronquée par les Chasseurs, ils n’ont que le rôle de figurants interchangeables ou de victimes.
Les Chasseurs français, leur Etat non-démocratique et le capitalisme totalitaire et extrémiste, ont toujours fait en sorte que les Lapins n’aient pas de chaîne de télévision à eux. On trouve à présent des dizaines de chaînes numériques, mais pas une seule n’est contrôlée par les Lapins !
Certains Lapins agiles résistent, et créent de nombreux médias « alternatifs », libres, rebelles.
Seulement, sauf exception, ces médias n’atteignent jamais la force, la visibilité des médias de masse des Chasseurs.
Ce pour deux raisons :
- parce que les médias « alternatifs » évoluent dans le monde (économique et politique) contrôlé par les Chasseurs, subissent leurs lois et répressions, leur concurrence économique, et ce monde ne leur est pas favorable du tout
- parce que les lapins, au lieu de s’allier pour créer des médias de masse préfèrent créer des multitudes de « micro-médias », avec chacun leurs niches. Si ça sert à chaque sous-groupe de lapins à communiquer entre eux, ça ne permet pas beaucoup de toucher les lapins peu curieux qui gardent leurs yeux et cerveaux disponibles rivés sur les médias de masse propriété des Chasseurs.
Les Lapins peu curieux ne sont donc pas très au courant de ce que font vraiment les Lapins rebelles, et ont peu d’occasion de peut-être se poser des questions utiles à leur libération, de faire marcher leur cerveau de manière plus désobéissante, ou de connaître des outils pour désobéir et s’auto-organiser.
Tant que les Lapins n’ont pas pris le pouvoir pour le partager et créer une démocratie ainsi qu’un monde non capitaliste, il est difficile hélas de remédier au point 1.
En revanche, il est possible aux Lapins de s’allier, d’unir leurs forces et moyens financiers (les lapins sont pauvres et dominés, mais ils sont nombreux), pour créer des médias de masse à eux, et, à force d’imagination et de luttes, de contourner les freins du point 1.
Lesquels médias de Lapins permettraient entre autre de faciliter un changement de société radical vers la démocratie et la sortie du capitalisme.
Au lieu de courir dans tous les sens et de se marcher dessus, aveuglés par les phares des Chasseurs, les Lapins peuvent reprendre la main, sortir de leur trou, de leurs terriers et clapiers, de la défense de leur petit carré de verdure qui se réduit chaque jour, et créer/braquer leurs propres projecteurs sur la réalité, la leur.
Au lieu de s’allier aux Chasseurs ou de tenter de prendre leur place, les Lapins peuvent créer une autre société, sans Lapins ni Chasseurs.
Localement, il existe à présent RICOCHETS, un média pour les Lapins qui se rebiffent, son audience augmente, mais il pourrait être beaucoup plus dynamique et visible si davantage de Lapins s’en servent et aident à sa diffusion.
Dans notre région, il serait opportun que les Lapins aillent plus loin et créent leur média de masse, avec par exemple un journal hebdomadaire à grand tirage, la production continue de vidéos, des affichages massifs, des soirées débats, des ateliers pour aider les Lapins à produire du contenu, etc.
Ca aurait beaucoup plus de poids pour entraver les Chasseurs qu’une multitude de « petits médias » séparés les uns des autres, et les Lapins peu curieux auraient plus de chance de s’y intéresser, et d’y puiser des « forces ».
On pourrait s’inspirer des journaux lancés par Enric Duran en Espagne durant la « crise » de 2008 : Crisi, distribué gratuitement à 200.000 exemplaires, et Podemos, journal militant tiré à 350.000 exemplaires. Voir article de Reporterre et dossier sur Indymedia.
Sur la nécessité de développer nos stratégies médiatiques, lisez aussi cet article : Développons les stratégies médiatiques de nos mouvements.
Pour commencer facilement, on pourrait déjà créer une plateforme regroupant et « visibilisant » les médias « alternatifs » existants de la région, en s’inspirant de It’s Going Down (IGD) aux USA ou du réseau Mutu français. Différents courants de Lapins pourraient s’y exprimer, en s’étant entendus sur une Charte de base.
Localement, les participant.e.s au Front social, les médias « alternatifs » et contestataires, les groupes et associations de Lapins pourraient s’entendre et créer un média de masse pour la région (centre Drôme ?) percutant, connu et largement diffusé.
Les obstacles ne sont pas techniques ni financiers, ni même de ressources humaines.
C’est juste une question de volonté, d’envie d’agir ensemble en franchissant les grillages entre nous.
Alors, les Lapins vont-ils continuer à brouter et s’époumoner seuls dans leur champ tondu en évitant tant bien que mal les grosses roues des 4x4 des Chasseurs, ou vont-ils allier leurs forces ?
Les Lapins sont certes exploités, dominés et divisés, mais ils sont nombreux, courent vite, sont agiles, ont des dents coupantes et solides, et s’ils agissaient ensemble de manière coordonnée, ils auraient tôt fait de ronger leurs chaînes, aussi grosses soient-elles.
Et ce monde violent et absurde seraient vite remplacé par un autre, plus vivant et soutenable, sans Lapins ni Chasseurs.
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