Le loup et le Crestois

Texte de Catherine Folliard

samedi 30 décembre 2017, par Irene.

« Pour tuer son chien on dit qu’il a la rage, pour tuer le loup on dit qu’il peut croquer nos enfants et pour tuer la connerie si on disait la vérité enfin une vérité ? »

L’article du Crestois du 22 décembre 2017 sur le loup au porte du Lauzun me laisse dubitative par le nombre de clichés qu’il soulève.
Au delà d’un fait divers traumatisant pour l’éleveur autour d’un loup errant venu s’amuser dans son troupeau, de nombreux sous entendus sont glissés subrepticement dans l’article. Je les trouve faux, dangereux et manipulateurs et c’est pourquoi j’ai envie de les reprendre et les dénoncer. Les voici :

1er) « Les bergers abandonnent le métier à cause du loup »
En 2017, l’ONF dénombrait entre 250 et 300 loups pour 41 769 exploitations ovines en France (selon la Confédération Nationale de l’élevage). En 2015, l’Etat a remboursé 9000 bêtes tuées par le loup (pour les associations nature c’est 4500 moutons tués par le loup), sur 2 410 638 ovins en France dont 700 000 en montagne. Soit 1,28 % selon la police et 0,64% selon les manifestants de brebis croquées par le loup.
Bien sûr, c’est dur pour un éleveur et/ou le berger (et oui les éleveurs sont rarement les bergers dans le cas de gros troupeaux) de voir le loup faire des dégâts dans son cheptel. C’est d’ailleurs le plus souvent des loups errants. Imaginez un enfant dans un magasin de bonbons sans marchand et libre de se servir !!! où nous, humains pendant les soldes et qu’on nous dit « allez y tout est gratuit aujourd’hui « !!! . Bin voilà vous y êtes dans la peau de l’ours euh pardon dans la peau du loup, tout fou et ivre de dépenser sans compter….
Selon les experts du loup, ce fait est dû aux loups errants, les loups en meute savent se tenir et ne tue que ce qu’ils ont besoin pour manger. Un loup errant est donc par définition sur le chemin, il ne s’arrête pas, il passe. Il erre parce qu’il a perdu sa meute,( ou c’est un jeune adulte en recherche d’un nouveau territoire) flinguée par l’ignorance humaine, ou soit parce qu’il doit fonder la sienne et cherche une donzelle libre. Comme nous, le loup se socialise par le groupe et y respecte des règles strictes sinon gare a lui, leur chef aussi ne rigole pas avec la loi, leurs lois.
Plutôt que de clamer que le loup rend le métier d’éleveur impossible et si, les éleveurs se demandaient plutôt pourquoi leur superbe viande d’alpage élevée au grand air et avec une herbe digne des dieux, se vend au même prix que le mouton de nouvelle Zélande élevé en batterie et venu par avion ???? D’ailleurs au super marché, on ne fait pas la différence.
Et si, le prix de cette superbe viande prenait en compte le risque loup, avec un label « vu le loup » par exemple pour se démarquer. Je fais le pari que nous consommateurs, qui faisons en ce moment la belle vie au bio, au local, aux productions respectueuses (même la grande distribution l’a remarqué et s’y met) paieront cette viande plus chère, car élevé en montagne. L’éleveur de montagne prendrait des risques mais avec une reconnaissance de la dureté de son métier.
A ma connaissance le métier de berger ne connaît pas la crise. En tous cas de nombreuses sessions de formation sont proposées.

2e) « L’Etat ne prend pas ses responsabilités »
L’Etat finance les pertes dues au Loup et certains moyens pour protéger le troupeau. Il paye des bergers en renfort, jusqu’à 2 chiens de protection par éleveur et les croquettes pour un an, il finance des clôtures, il rémunère des tueurs de loups et indemnise bien sûr les bêtes tuées par le loup. L’Etat a payé 19 millions en 2015 selon le cabinet du ministre de l’époque M. Le Foll pour les moyens de protection et les pertes. Ah... bien ça fait 2111 euros par mouton tué ma bonne dame, avec cet argent on pourrait quand même mieux aider nos pauvres (là c’est moi qui glisse un cliché…). C’est sur que sans le loup on ferait des économies, d’ailleurs si on supprimait ce qui nous gène ou nous coûte cher (les malades, les chômeurs, les fraudeurs (les petits comme les puissants), les nuisibles (pour moi ce n’est pas le renard et le blaireau) les migrants, les enfants, bien oui les études ca coûte cher, euh stop là Catherine tu déconnes…. OUI mais comment on s’arrête dans cette spirale que l’Autre me dérange donc réflexe d‘élimination !!!!
De quel droit, l’homme se permet d’éliminer une espèce ? De quel droit l’homme veut contrôler et dompter la nature sauvage ?
Mais revenons à nos moutons, par ses aides, l’Etat Français souhaite, créer la paix sociale avec les éleveurs face à une espèce protégée par plus haut que lui. Est ce la meilleure solution ?????
L’auteur de la phrase « l’état ne prend pas ses responsabilité », ou celui qui la relaie, veut peut être dire que l’Etat devrait flinguer tous les loups et éliminer ainsi le problème.
Et si moi, éco citoyenne, j’ai envie de me promener en montagne sauvage avec la chance de croiser le loup ???? J’ai le droit de donner mon sentiment ?

3e) « L’agriculteur rend beau les paysages ruraux »
Désolée de ne pas être d’accord avec cette affirmation qui reste très suggestive comme peut l’être la beauté. La beauté est dans l’œil de celui qui regarde, disait Oscar Wilde.
Moi je vois que les agriculteurs mettent à propre et à net nos paysages. Ils rasent, coupent les haies, les champs sont au cordeau sans rien qui dépasse, même plus un pauvre coquelicot…. Le concept de beauté et celui de propreté bin, pour la faune et la flore, cela fait une sacrée différence. Pourquoi le cheptel d’oiseaux en Europe a baissé déjà de 60% (chiffre de 2017, bird life international) ? Pour répondre vite, l’agriculteur a tellement bien tout nettoyé au karcher, qu’il n’y a plus rien à manger et/ou à nicher pour la faune !!!!
Dans la montagne c’est pareil, les moutons broutent les herbes et d’où l’impression d’une belle pelouse (mais avec peu de diversité donc de vie) . Ils sèment ainsi leurs petites crottes bourrées d’antibiotiques. Il faut savoir que le plus grand prédateur des troupeaux est la fameuse mouche Wohlfarhtia. Elle pond des œufs qui donnent des asticots carnivores et qui mènent à la mort de l’animal atteint. Les moutons sont souvent gavés d’antibiotiques, surtout quand il n’y a pas de berger pour soigner leurs petits bobos, qui vont s’aggraver et les tuer. Le taux de mortalité dû à cette mouche est largement supérieur à celle du loup, mais c’est moins glamour de ce battre contre une mouche…
D’ailleurs, dans les coins où il y a les loups, il y a des subventions, donc plus de bergers (80% du salaire d’un berger subventionné pour l’éleveur) s’occupant des moutons et les soignant et donc, moins de mortalité dû à la mouche. Voir article de Ferus du 20/10/2016 « en France la filière ovine souffre de vrais problèmes et ce n’est pas le loup »

4e « Le loup va mettre fin au pastoralisme »
L’idée que le bétail serait utile pour "entretenir" la montagne renvoie à une image idéalisée de celle-ci, mais ne correspond à aucune réalité biologique ou écologique.
Et si on laissait effectivement la montagne aux loups, aux ours, aux chevreuils, aux bouquetins, aux marmottes, aux randonneurs et ainsi développer le tourisme vert. ?
Non, en France on préfère laisser les chasseurs se promener le dimanche et abattre 30 millions soit 30 000 000 animaux sauvages en 2016, en France uniquement (chiffre Aspas). Je ne vous parle pas des 19 humains morts en accident de chasse la même année. Merci de ne pas me sortir le prétexte de la régulation de la faune dixit les Fédérations de Chasseurs, mais c’est encore un long débat…
Aujourd’hui, il n’y a pas de compromis entre les chasseurs et les randonneurs, c’est les marcheurs qui font gaffe tous les jours. Pourtant les chasseurs représentent moins d’1% de la population. On pourrait quand même avoir le dimanche tranquille pour se promener sans danger, ce n’est pas énorme comme entente dans une société dite civilisée !!!
La montagne n’a pas besoin de moutons. Les éleveurs ont besoin d’alpages, mais l’inverse n’est pas vrai.

5e) « Le loup va croquer nos enfants »
Celle la c’est la meilleure de cet article. C’est à la fin. Et si on instillait un peu de peur et de mauvaise croyance pour faire frissonner le lecteur ? « Il faut peut être envisager à ne plus laisser nos enfants se balader dans nos campagnes afin d’éviter le pire ». C’est entre guillemets, le ou la journaliste préfère que cela soit quelqu’un d’autre qui le dise, mais il l’écrit, donc il est responsable de la propagande de peur donc de réponses de haine, de violence de fanatisme. Ou alors, il a trop regardé Jacquou le Croquant quand il ou elle était enfant à la TV.
Le loup s’attaque rarement aux hommes ou aux enfants si bien que le risque est quasi nul en France. Pas d’attaque avec blessure sur l’homme répertoriée et prouvée depuis bien longtemps. L’ado entouré par une meute dans les Alpes de Haute Provence en juin 2015, a tellement brodé son histoire que le doute est là (Médiapart, attaque de loups sur un adolescent). Ok, le risque existe, le loup reste un animal sauvage carnassier. Au moyen âge, il faisait quelques victimes mais les loups étaient bien plus nombreux et surtout ils contractaient la rage et devenaient dangereux. A lire Jean Marc Moriseau, historien qui a entrepris, depuis 2002, une vaste enquête du recensement des attaques humaines causées par Canis Lupus en France. Basée sur des archives publiques, registres paroissiaux d’état civil, Il conclut à 10 000 victimes humaines de loups entre le Moyen-Age et le début du XXe siècle, jusqu’à l’éradication des derniers canidés. A l’époque, l’Hexagone comptait entre 10 000 et 20 000 loups, répartis sur l’ensemble du territoire contre 300 aujourd’hui.
Le Mammifère qui fait tous les ans au moins, un mort dans nos montagnes c’est la vache d’estive mais là, personne ne dit et ne fait rien.
La vie est pleine de risques et c’est la vie.

Le loup du Pas de Lauzin, y a longtemps qu’il est reparti.

Pourquoi dans le journal du Crestois, alors que sur la même ville, une association nature peut donner toutes les informations scientifiques et d’expertises (l’ASPAS), dans un département de la Drôme valorisant le Bio a tout va, on parle avec autant d’inexactitudes du Loup et de sa problématique avec les éleveurs ?
Et si on devenait simplement juste avec ce qui nous entoure…

Catherine Folliard


Forum de l’article

  • Le loup et le Crestois Le 1er janvier 2018 à 17:24, par Camille Pierrette

    Oui merci de rappeler ces quelques faits.

    Ca me donne envie d’en rappeler quelques autres.
    Par exemple : si les humains mangeaient pas, ou très peu, de viande, il n’y aurait pas ces milliers de moutons en « agriculture » intensive qui brouteraient la montagne, ils ne pourraient plus transmettre de maladies aux espèces sauvages.
    Et la montagne, l’eau potable et la biodiversité se porteraient mieux sans les moutons, et les moutons n’auraient plus à souffrir de leur triste condition de côtelettes sur pattes.

    - voir Le pastoralisme est-il bon pour la montagne ?

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