Gilets jaunes et Sans-culottes

pas même de la brioche

mercredi 5 décembre 2018, par Etienne.

Macron Emmanuel n’osant apparaître au balcon, son figurant Edouard Phillipe, vient de jeter en pâture à la populace quelques miettes. Pas même de la brioche.

Dans les siècles à venir – si siècles à venir il y a – les analystes politiques de tout poil s’interrogeront : comment est-il possible qu’une supposée élite dirigeante ait pu être à ce point sourde et aveugle aux aspirations et besoins réels de la population dont elle tirait in fine, par consentement implicite, sa légitimité ? Comment n’a-t-elle pu pas savoir se retirer pour ne pas être chassée manu militari ?

L’histoire que nous voyons se faire sous nos yeux ressemble à s’y méprendre à celle de la Révolution française. Les similitudes foisonnent. Le problème central est celui de la survie des élites, qui se disputent le pouvoir. Elles ne peuvent continuer d’exister qu’à condition d’être compétitives, faces à d’autres élites internationales. A l’époque, on parlait de dynasties
Les oligarchies d’aujourd’hui sont face à ce même dilemme : ou bien elles parviennent à financer le modèle qui les avantage (avec les sciences, la technique, l’économie, et la métaphysique qui vont avec), ou bien elles disparaissent.

L’Ancien régime, incarné alors en Louis XVI, était face au même problème : la guerre D’Amérique, contre l’archi-rivale Angleterre, les dépenses de la cour, somptuaires pour affirmer la supériorité du pouvoir, une classe d’oisifs dispensée d’impôts (quatre-cent mille selon Sieyès, un chiffre qui se rapproche de l’effectif actuel des super-riches) engloutissait des sommes ahurissantes.

Les états généraux consentiront-ils à la levée de l’impôt ?

L’Etat, c’est-à-dire le roi et ses dépendants, vivait des recettes de son royaume affermées à des fermiers généraux, sorte ce collecteur d’impôt privatisés, et d’emprunts auprès de grosses fortunes étrangères ou nationales. Le roi finit par être si en dette, auprès même de ses propres sujets, que son crédit s’éroda quand on craint qu’il fût un jour insolvable. Sans crédit sonnants le crédit politique s’évanouit.

Face à cette crise financière, Louis XVI dut se résoudre à convoquer les Etats généraux, qui devait consentir à lever de nouveaux impôts. Les Etats n’avaient pas été réunis depuis 1614. Soit cent-soixante-quinze ans. (175). 1789-2018 : voilà maintenant deux cent vingt-huit ans !

Aujourd’hui, pareillement, les oligarchies politiques supposées représentatives, constatent que les dépenses excèdent durablement les recettes. Pourquoi ?
Elles se sont elles-mêmes enfermées dans une impasse fiscale en forme de ciseau.

Effet de ciseau.
Les détenteurs du capital sont légèrement taxés. On croit que leurs investissements chez nous créeront des outils de travail pour produire des biens marchands et distribuer des salaires.
Tout irait bien sauf s’il n’existait une tendance ces détenteurs du capital à exiger une rétribution toujours plus élevé de leur apport.
Le capital et ses revenus sont peu taxés, tant il est difficile de se taxer lourdement, soi-même, ses proches, ses affiliés, ses relations. Pour compenser, il a fallu depuis les années 80 taxer plus lourdement le travail. Ce faisant, on a d’abord mis à part une partie de la population, incapable de consommer faute de revenus. Cette proportion à la consommation parcimonieuse a fini par concerner une large partie de la population.

Ce qui en retour obère les recettes fiscales. La solution : obliger les gens à consommer plus. Par exemple, grâce à un contrôle technique qui exclurait 30 % des véhicules, ceux des automobilistes les plus modestes, et augmenter les taxes. L’achat forcé d’un véhicule de remplacement est déjà considéré comme un impôt par la population, et une atteinte à sa sphère de liberté personnelle (est-ce qu’on va m’obliger à changer mon lit ?).

Aux alentours du au premier choc pétrolier, l’Etat dirigiste et social abandonne progressivement ses prérogatives, les transférant vers des oligarchies, censées mieux assurer l’optimum collectif.
Parallèlement les rendements du capital exigé par les actionnaires s’accroît, tandis que la part du travail dans la valeur crée s’amenuise. Du coup, le « pouvoir d’achat » de base s’amenuise. La panne du système est prévisible à plus ou moins court-terme,
Dès lors qu’il est loin du labeur suant et souffrant, c’est sans état d’âme que le capitaliste œuvre à maximiser le profit des propriétaires. Les émeutes du pain, qui anticipèrent de quelques semaines la prise de la Bastille reflètent ceci : le capital concentré, face au risque de baisse de ses profits, parce qu’il est loin et déshumanisé, préférera toujours harasser le travail, les humains, plutôt que de se restreindre. Il perdrait quelques places sinon dans la compétition l’affrontant à d’autres oligarchies de fortune.
Ce mécanisme étant sans frein, les oligarchies finissent par aller trop loin, signant leur perte.

D’autre part
Les dépenses collectives ne font que croître, ô pervers enfant de la croissance exigeant sans freins satisfaction sans délais à tes désirs excités par la pub ! Les électeurs-consommateurs exigent de plus en plus de services.
Pour maintenir ce « niveau de vie », il faut affronter la compétition internationale, les défis technologiques, l’intelligence artificielle, les robots, les OGM, les nano-composants, etc. La France doit être dans la course pour maintenir nos salaires, notre compétitivité, etc.

Tout ce bla-bla ne veut dire qu’une chose : « Croyez-moi : ce qui est bon pour moi est bon pour vous. Je vois pour vous. Suivez-moi ! » Nous vous donnerons vos médiathèques, vos maisons individuelles, vos voitures électriques, vos télé grand-écran.

Oui, bien sûr, cette compétition globalisée impacte fortement l’environnement. Pour infléchir les choses, nous n’avons que cinq ans. Cinq ans pour réformer la France, pour la préparer à la compétition économique sous contrainte environnementale.
« Et la France vous a donné mandat de faire cela. Vraiment ?
Quand cela a-t-il été discuté ? Quand avons-nous décidé collectivement, démocratiquement, de nous lancer dans le nucléaire ? Qui a décidé de nous engager dans les voies techniques et économiques actuelles ?
Le peuple ? L’élection est une farce. Le parlement, réuni à Versailles, décida de faire fi de la décision du peuple de refuser le traité d’adhésion à la communauté européenne (Traité « constitutionnel » de Maastricht) ?
Ce même Versailles dont les matrones et les sans-culottes de Paris (pères et mère des gilets jaunes) extrairent le petit mitron, la reine et le roi, pour les ramener aux Tuileries, sous l’œil du peuple.
Ces Tuileries dans l’assaut duquel moururent quelques mois plus tard quelque mille sans-culottes. Plus de deux siècles plus tard, une victime neuve vient de donner sa vie sous une grille des Tuileries.

Si l’on regarde le pouvoir s’instaurer et se transformer depuis les origines, on voit que le chef ne s’impose durablement que s’il recueille un consentement suffisant. Le premier chef, le premier roi, est toujours élu, choisi comme le plus apte d’entre eux, elles, par ses pairs et paires. Pair, paire, veut dire égal en tout. Egalité de part de voix, d’autorité, de respect, dû et reçu, de capacité économique et militaire.
Recueillir un consentement suffisant reste la clef de voûte de toute légitimité. Dès qu’il perd l’assentiment implicite de sa base sociale, le pouvoir périclite, quelque puissant, technologique, organisé, sophistiqué, qu’il croit être. Sa sophistication et sa puissance font au contraire ses faiblesses.

Ce que nous voyons se dérouler sous nos yeux ne devrait pas nous surprendre.

Ce que nous voyons se dérouler sous nos yeux ne devrait pas nous surprendre.
Cela nous surprendrait moins encore si nous regardions comme d’étranges animaux. L’éthologie nous apprend que des singes apparaissent se coordonner pour renverser le mâle dominant ? Comment font-ils pour se coordonner ? On ne sait. Et pourtant ils le font ! (Une vidéo en témoigne). L’archéologie récente révèle des centaines de témoignages de classes exploiteuses renversées.

Nous vivons en direct une histoire qui résonne viscéralement avec notre vécu, dont la charge subjective et politique est extraordinaire.
Mais sous l’angle en retrait du temps long, celui de l’anthropologie, ces évènements ne sont pas si rares. Sous l’angle de l’éthologie, ils ne sont pas sans exemple. Sous l’angle plus court de l’histoire, ils ont des antécédents, notamment pour les Français et leur Révolution, dont le présent peut s’instruire pour répondre aux sollicitations du présent.

Les opinions vont décanter, des courants, des clubs, vont se déclarer, s’opposer. Tout cela mûrira, sédimentera, s’émoussera ici, s’affutera là. La discorde créative le disputera à tous les conservatismes.
Combien tout cela durera-t-il ? Combien de temps dure une révolution ?
Des mois ? Des années ? Des décennies ? Du sang coulera-t-il ? Combien de vies ? Qui connaît l’avenir ?

Les débats d’hier et d’aujourd’hui ne sont pas si éloignés, les forces sociales en présence si différentes d’hier. Les mêmes réflexes rémanents nous animent.
Etudions ce que nos anciens ont fait pour en tirer des leçons pratiques et des stratégies utiles et nous orienter dans le maelström moral, personnel et politique que les mois à venir probablement nous réservent.


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