C’est en musique que le Cabaret des Ramières, à Eurre, invitait récemment l’auditeur à découvrir un exode tragique et méconnu (1).
Au Nouveau-Brunswick, une province du Canada entre Québec et USA, un jour, on nous entend, ma femme et moi, parler français. On nous aborde. On nous invite. Nos hôtes sont contents de rencontrer des Français, honteux de si mal le parler. Honteux de la pauvreté, réelle, de leur maison. Ils sont les descendants des rescapés du Grand Déplacement, la déportation massive par les Anglais des Français vers le Sud dans les années 1750.
La musique Cajun conte ce transport en Nouvelle Orléans.
En voyage, on croise des peuples pitoyables ayant perdu confiance jusqu’en leur propre dignité : Maoris, Aborigènes, Indiens. Mais ces paria-là parlent ma langue !
Dans certaines sociétés souches, le guerrier est soumis à un rite de purification. Rite qui lave, pardonne, reconnait efforts et sacrifices, réintègre dans le quotidien et les bras paisibles des femmes . La guerre d’Algérie fut une guerre muette. Sans guerrier, pas de rite, pas de reconnaissance. Conflit non apuré dont le poison n’en finit pas de couler.
La France est en paix. Elle mène ses guerres en silence.
Pourquoi un locataire de Crest a t-il fixé sept verrous sur sa porte ? Il fut sniper à Sarajevo. Particularité du job : les cibles sont identifiées, vivantes. Si la tête éclate dans la lunette, on est sûr de la prime.
Pas bien loin de Crest, un maçon qui fut para. Petit en taille, le poids d’une parole qui ne peut sortir écrase ses épaules.
« On l’avait en visuel. Il dépassait à moitié de son trou. L’ordre de feu a été donné. Comme un bouchon de champagne qui saute du trou. C’est une arme qui pulvérise, », confie cet ex-soldat de 20 ans au Mali, qui vit aujourd’hui aux portes du Vercors.
Quel sera le prix collectif de ces guerres muettes ? Que nous y fûmes colons, comme en Algérie, ou déportés, comme du Nouveau Brunswick, quels sont les bénéfices de la colonisation ?