Ce texte est une réaction à l’article intitulé « C’est dur d’avoir 98 ans en 2020 ! ».
Le problème avec l’humanité, c’est qu’elle se croit intelligente, alors que cette illusion est le produit de sa bêtise. L’incrédulité face au changement climatique provient de cette cécité. Même chose pour la cécité envers la pandémie en cours. Les gens ne comprendront son extrême gravité que lorsqu’une proportion importante de leurs proches sera touchée. Telle est l’imbécillité humaine, dont la parade est l’humilité, non pas cet orgueil qu’on sent dans ces lignes, où l’ignorance se camoufle en vérité. Les mêmes ressorts sont à l’œuvre d’ailleurs dans le climato-négationnisme.
Avez-vous remarqué le nombre de chauffards collant le véhicule qui les précèdent : pourquoi un tel comportement stupide et dangereux ? Parce que ces conducteurs ne comprennent pas que la distance de freinage augmente au carré de la vitesse. D’où aussi cette justification idiote entendue parfois pour justifier qu’un enfant soit tenu dans les bras plutôt qu’assis dans un siège de sécurité : « je le tiens fermement ». Ce qui est valable à 5 km/h ne l’est plus à 50. Si le môme pèse 10 kg, son poids apparent lors d’un choc à 5 km/h sera supportable pour des bras adultes. Mais à 50, il ne pèsera pas 5 x 10 Kg soit 50 kg, mais plusieurs tonnes.
L’échiquier exponentiel
Chacun connait l’histoire de ce personnage qui souhaite être récompensé par un roi de la manière suivante : 2 grains de blé sur la première case de l’échiquier, 2 x 2 = 4 grains de blé sur la seconde case de l’échiquier, et ainsi de suite. A la 16e case, on en est déjà à 65 536 grains, soit quelque 164 tonnes (à raison d’un carat=2,5 g par grain de blé) ! A la soixante-quatrième case la totalité des grains du royaume n’y suffit pas ! Voilà le comportement d’une exponentielle. Telle est aussi la dynamique d’une épidémie. Je joins un petit graphique mimant le comportement théorique de la pandémie avec un taux de reproduction de 1.35, d’où on peut tirer une mortalité probable dans les semaines à venir, mortalité qui suivra elle aussi une dynamique exponentielle. Exponentielle qui sera d’autant plus « écrasée » que les consignes collectives seront respectées, d’autant plus « explosive » que les comportements seront obscurantistes et asociaux.
Les objections des pro-pandémies, telles qu’on les lit ici, sont d’autant plus difficiles à déboulonner qu’on a réussi plus ou moins, JUSQU’ICI à juguler la maladie. D’où cette illusion que la maladie serait sans gravité. Aurait-il fallu ne rien faire pour convaincre les aveugles ? Aurait-il fallu attendre que 30 % de la population meure pour que les sceptiques comprennent enfin ? Mais nous voici désormais au pied des choses sérieuses : nous allons bientôt sentir dans notre chair ou dans celle de nos proches ce qu’est une exponentielle.
Enfin, point le plus important, la question de la liberté qui est plus ou moins reliée à celle de la démocratie. Plus ou moins car il n’est pas rare que certains considèrent que payer des impôts, porter une ceinture de sécurité, fumer au café, entament leur liberté. Cela entame-t-il pour autant la démocratie ? Faisons une hypothèse : si nous étions réellement en démocratie, quelles mesures aurait adoptées un gouvernement réellement démocratique ? Probablement les mêmes que celles mises en œuvre aujourd’hui par le gouvernement Macron ! Pourquoi ? Parce que, que l’on soit de droite ou de gauche, les pommes tombent vers le bas : certaines lois physiques ou biologiques s’imposent à nous, qu’on le veuille ou non. Et il d’autant plus surprenant que des milieux par ailleurs nominalement « écolos » soient sur le sujet de purs disciples des climato sceptiques et de Prométhée et se sentent au-dessus de la nécessité décrétée par Gaïa. L’humain n’est-il pas au-dessus des lois de la nature ? La question de la démocratie doit donc être découplée de celle de la pandémie : elles n’ont que peu à voir. L’ennemi de l’humain, avant d’être le Covid, c’est l’ignorance et la bêtise. Sarkozy n’a-t-il pas estimé que le « Connais-toi toi-même » socratique était la phrase la plus bête qu’il ait jamais entendu ?
Chacun son tour
Par contre, il faut poser celle de comportements qui doivent, après plus de six mois d’information quant à la maladie qualifier de criminel : il était évident, à considérer le comportement notamment des plus jeunes cet été que la pandémie allait repartir, et ceci à un niveau inédit. Dit plus crûment encore, les comportements décérébrés de certains sont la cause directe de l’incendie en cours. Et les pyromanes sont les libertariens qui se croient libertaires incapables d’accepter le collectif, la finitude humaine et la faiblesse des corps. Ils sont directement responsables de la mortalité des anciens. Il faut peser les mots à leur juste valeur : comment qualifier en effet l’attentat à la vie d’autrui ?
Les plus jeunes, les fêtards, les entendements limités, sont le moteur de la maladie, ses foyers entretenus à coup de fêtes et de rassemblements. Mais qu’ils se rassurent : leur tour viendra bientôt, et d’autant plus qu’ils se seront comportés plus stupidement. Et s’il en est qui préparent et justifient une possible « stratégie du choc », ce sont bien ceux-là. Quant à l’argument de l’épuisement de notre système public, il a bon dos, puisque la meilleure manière de l’épuiser est de contaminer à tour de bras au prétexte de liberté ! Quoi de plus méprisant envers les soignants !
Quant à l’argument économique, il s’agit probablement d’une galéjade. Qu’on imagine l’état de l’économie après une épidémie qu’on laisserait aller en roue libre. Il y a eu au XVe siècle, après la grande peste, des cas de cannibalisme, tellement profonde était la pauvreté, délabrée l’économie : est-ce là ce que l’on souhaite ? A moins qu’on préfère les USA de Trump où tu as la liberté de crever sans soin ?
Mais oui, puisque nous parlions de démocratie, il faut poser la question des revenus des plus faibles et de ceux des plus favorisés. Car toute une partie de la population n’est strictement pas affectée par la pandémie : fonctionnaires, retraités, grandes entreprises, qui ces dernières au contraire en profitent. Il faut donc qu’à proportion de leurs revenus, ils contribuent comme le reste de la population à amortir les dégâts de cette pandémie, ce d’autant plus qu’un train peut en cacher un autre et qu’il n’est pas certain qu’il y ait jamais une fin à cette crise. Il faut donc changer : balayer l’obscurantisme et changer la démocratie, car sous le périmètre présent taxer les retraités, fonctionnaire ou entreprises aisées, c’est pour un gouvernement se tirer une balle dans le pied.
Oui, la démocratie élective est une farce qui profite aux riches. Oui, nous n’avons pas de démocratie. Cela ne justifie pas l’attentat à la vie d’autrui, et certainement pas la dictature de la bêtise, sœur de celle dont Samuel Paty a par ailleurs péri.
Cette crise, comme toutes les crises, si elle se termine un jour, aura eu deux faces : du côté sombre, les centaines de millions de morts auxquels il faut s’attendre si rien n’est fait (et dizaines en faisant quelque chose ; un peu plus d’un million aujourd’hui). Du côté clair, la décantation de positions philosophiques et politiques embrouillées et contradictoires telle que les présentes colonnes en ont rapporté à de nombreuses reprises, mais surtout le rabattage du caquet de cette espèce décevante, odieuse, vaniteuse, méprisante de la vie à laquelle j’appartiens.
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